Unanimité autour de l’interdiction du téléphone portable à l’école

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Via une décision interministérielle rendue publique le 05 septembre dernier, deux semaines avant la reprise des cours, les ministres Dodzi Kokoroko et Isaac Tsiakpé, respectivement des enseignements primaire et secondaire, et de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, interdisent l’utilisation du téléphone portable dans les écoles publiques et privées. Ceci, à la grande satisfaction des parents et enseignants.

La décision prise, interdit «l’utilisation du téléphone portable aux élèves dans l’enceinte des établissements publics et privés de l’enseignement général et technique ». Elle définit l’utilisation « comme une manipulation volontaire, individuelle ou collective, bruyante ou silencieuse, un fonctionnement ou un allumage involontaire du téléphone dans l’enceinte de l’établissement sans considération du temps scolaire, y compris les temps consacrés aux activités extrascolaires».
Toutefois, l’utilisation du téléphone portable dans l’enceinte des établissements scolaires est admise dans les cas d’exception ci-après : « une circonstance d’urgence nécessitant l’alerte des secours ou des personnes susceptibles de fournir une quelconque assistance ; une activité pédagogique ou éducative impliquant le recours aux outils numériques sous réserve que cette activité se déroule sous la supervision directe d’un personnel scolaire autorisé. »

Ainsi, l’utilisation du téléphone en dehors de ces cas d’exception « entraîne le retrait du téléphone sans possibilité de restitution ». Cette sanction, « s’applique sans préjudice des autres dispositions réglementaires applicables ».
Par ailleurs, « il est interdit à tout élève en situation d’apprenant, de créer, de publier, de diffuser ou de partager sur les réseaux sociaux des contenus indécents, attentatoires à l’honneur et à la dignité ou susceptibles de nuire à l’image de l’établissement scolaire ». Le personnel scolaire est invité à faire preuve d’exemplarité dans l’utilisation du téléphone à l’école, souligne la décision.

Bravissimo !

Les enseignants, responsables d’établissements tout comme les parents d’élèves, accueillent favorablement la mesure. Selon Ferdinand Amedenou Boussa, directeur du complexe scolaire EDISON sis à Bè-Adidomé, au lieu de profiter des smartphones pour faire des recherches à l’ère du numérique et améliorer leurs performances, la plupart des élèves, constate amèrement le responsable, « utilisent mal cet outil de travail ».
Ceci, quand bien même l’utilisation du portable était admise aux heures de pause. « L’année dernière, nous avons confisqué 5 téléphones, c’est à la fin de l’année que nous les avons restitués aux élèves, par l’intermédiaire des parents. Souvent, c’est en classe, quand l’enseignant fait son cours, que l’élève a la tête baissée et fouille son téléphone portable. Parfois en plein cours, ça sonne, perturbant ainsi le bon déroulement du cours. Cette rentrée, la décision interministérielle interdisant l’utilisation systématique du téléphone portable est venue à point nommé », a confié à FOCUS INFOS le directeur du complexe scolaire EDISON.

Il fait remarquer, par ailleurs, que quand l’élève est tout le temps connecté sur son téléphone portable surtout sur Tik-Tok et WhatsApp, il s’oublie vite et passe beaucoup de temps sans s’en rendre compte. Ce qui impacte ses performances à l’école. « Comme preuve, les résultats de l’année dernière aux différents examens surtout au BEPC », a-t-il appuyé.

Hervé Edoh, enseignant d’Etat, expose l’exagération des élèves dans l’utilisation des smartphones. « Nous sommes débordés surtout avec l’avènement de Tik-Tok. Au moment où toi, l’enseignant, tu es concentré pour faire des cours, les élèves te filment sans que tu ne le saches. Tout de suite, tu vas te retrouver sur les réseaux sociaux. Les moindres choses, soit quelqu’un a un petit souci dans l’établissement, quelqu’un est en retard, quelqu’un a eu une mauvaise note…les élèves sortent leur portable. Ce qui fait qu’aujourd’hui, utiliser le téléphone portable crée une instabilité dans les écoles, le manque de concentration chez les apprenants », s’est-il désolé en appréciant la décision interministérielle. Pour l’enseignant, la mesure va aider les acteurs de l’éducation à mieux encadrer les élèves, s’assurer qu’ils sont vraiment avec l’enseignant en classe. « Beaucoup d’élèves regardent des films pornographiques en plein cours sur leur smartphone. Tu expliques le cours, tu constates qu’ils ont la tête baissée. Si tu viens et tu retires leurs téléphones portables, ce sont des films pornographiques qu’ils sont en train de suivre et de se partager. C’est ce à ce jeu qu’ils jouent dans nos établissements scolaires », a-t-il souligné.

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Pour Seyram Kossivi, enseignant au complexe scolaire Fondation la Bonne Semence, sis à Lankouvi, cette interdiction « relève de l’obligation de sérénité et de concentration qui doit régner dans les établissements, gage d’un bon déroulement des activités pédagogiques ». Cette interdiction, soutient-il, rappelle à la mémoire collective des Togolais, le scandale de vidéos frisant la pornographie dans certains lycées de la capitale en 2020.

« Le contrôle a commencé à être plus strict. Cela va de soi qu’on ne puisse pas tolérer que les élèves aient un accès libre à des outils qui pourraient facilement les distraire et les écarter de ce pourquoi ils sont à l’école. Outre le visionnage d’images et de vidéos pornographiques, il y a le fait de scroller sur les réseaux sociaux pour converser avec des personnes, jouer à des jeux et écouter de la musique», détaille l’enseignant.

Pour M. Kossivi, avec la décision interministérielle prise à l’orée de cette rentrée, le corps enseignant et administratif est de nouveau interpellé à prendre ses responsabilités. « Le téléphone ne doit pas être utilisé à l’école. S’il devrait y avoir une particularité liée à un élève avec lequel les parents doivent garder le contact, alors ceux-ci avisent la direction qui garde le téléphone de l’enfant pendant les heures de cours et il ne le reprend qu’à la sortie », a-t-il proposé.

Les établissements scolaires de Lomé ne sont pas les seuls où les élèves utilisent abusivement et excessivement les téléphones portables en classe, en dépit des dispositions réglementaires. L’année dernière, confie un Censeur d’un lycée de la préfecture de Bas-Mono, 4 téléphones portables ont été saisis en plein cours.
Les appréciations des parents sont les mêmes pour ce qui est de cette interdiction. Gérard Lossou, parent de trois élèves salue la décision. Mieux encore, il suggère qu’on introduise de nouveau l’utilisation des bâtons à l’école.

« Le ministre doit autoriser de nouveau l’utilisation du bâton en milieu scolaire pour corriger les élèves quand ils ne respectent pas la décision. Sans cela, il y aura de la complaisance. Certains élèves sont déjà accros à l’utilisation du téléphone surtout les jeunes filles qui trouveront des stratégies pour dissimuler le téléphone, dans leur sac ou à des endroits non imaginables », a-t-il commenté. Tout comme M. Lossou, Ida Akakpo, mère de deux élèves en classe de 6ème et 4ème, se réjouit d’une mesure salutaire.

« J’ai apprécié la mesure en tant que parent mais reste à m’assurer de son application dans la durée. Les choses sont très dures ces derniers moments. Le parent qui se sacrifie pour trouver de quoi manger et les frais scolaires et en fin d’année, son enfant ne réussit pas parce qu’il était concentré sur son téléphone en classe au moment où l’enseignant faisait les cours, ce n’est pas du tout bien », s’est-elle désolée.

Les responsables d’école se préparent

Le sujet fait partie des points inscrits à l’ordre du jour des rencontres organisées dans les établissements scolaires publics comme privés à la veille de la rentrée. Les inspecteurs d’école ont également exhorté les directeurs et proviseurs d’écoles à faire respecter la mesure.

Déjà, comme cela est exigé, des établissements scolaires à l’instar du complexe scolaire EDISON ont fait copie de la décision interministérielle et l’ont affichée au tableau.

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« On a commencé par là. Dès la deuxième semaine après la rentrée, nous allons organiser une réunion des parents d’élèves pour les informer de la décision. Déjà, nous allons commencer avec les enfants au mât le lundi 16 septembre 2024 à la reprise des cours.», a informé le directeur du complexe scolaire EDISON.
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Les enseignants sont aussi concernés. « L’usage du téléphone portable par les enseignants doit être modéré, ça perturbe. Tu commences à expliquer un cours et ton téléphone sonne, tu arrêtes, tu sors pour prendre l’appel, après tu reviens, tout cela fait que le bon déroulement du cours n’est plus assuré. Maintenant, nous allons faire lire cette décision interministérielle aux enseignants qui comprendront mieux et nous leur dirons que les données ont changé ».
En somme, la décision interministérielle est unanimement saluée et appréciée.

Parents, enseignants, responsables d’établissements scolaires publics et privés tout comme les élèves ont chacun un rôle à jouer pour l’effectivité de cette mesure interministérielle.

Notons que l’usage du téléphone portable dans les écoles a été réglementé dans les établissements scolaires au Togo il y a un bon moment.

D’abord dans les règlements intérieurs des écoles et pour la première fois, officiellement en 2018, par le ministre de l’éducation d’alors, le ministre Komi Tchakpele qui avait, en son temps crié haro sur la mauvaise utilisation des téléphones portables par les élèves.