Difficile gestion des partis d’opposition après le « départ » des Pères fondateurs

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La gestion des partis politiques d’opposition au Togo après la disparition de leurs figures emblématiques ou leaders dits « charismatiques », généralement leurs pères fondateurs se révèle de plus en plus chaotique au Togo. Les énergies et forces unies qui leur donnaient un poids incontestable se dissimulent et affaiblissent progressivement ces partis. Même des leaders qui, de leur vivant, étaient adoubés et drainaient des foules sur les terrains politiques ne sont pas arrivés à bien préparer, de leur vivant, leur succession, laissant du coup, leur formation politique dans une totale déconfiture.

 Le dernier cas qui défraie la chronique est celui de l’ancien Premier ministre et ancien Président de l’Assemblée nationale, devenu opposant, Agbéyomé Kodjo. Décédé le 3 mars 2024 et inhumé le 6 juillet 2024 dans son village natal à Tokpli, l’ex challenger de Faure Gnassingbé à l’élection présidentielle de 2020 n’a pas pu préparer un successeur digne.

Juste un mois après son inhumation, des dissensions surgissent au sein de son parti MPDD qui faisait partie de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK). Dans un communiqué rendu public ce 29 juillet et signé par Jonas Komlan Akewobudo Siliadin, Vice-président par intérim du parti, il est annoncé la suspension de la participation du parti à tous les regroupements ou coalition dont il est membre.

De facto, le parti quitte la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) avec « effet immédiat » alors que, de son vivant, son fondateur n’aurait jamais imaginé ce scénario, vu son attachement au prélat qui avait accepté prêter son nom à ce regroupement de partis politiques. Dans le même temps, il est précisé qu’à compter du 29 juillet 2024, tous les mandats donnés aux cadres du parti aux fins de représenter et d’agir au nom du MPDD au sein de ces regroupements ou coalitions de partis et d’associations sont suspendus.

Un congrès ordinaire est annoncé très prochainement pour définir les nouvelles orientations du parti. Une décision mal accueillie par Paul Missiagbeto, conseiller spécial chargé des affaires politiques et civiques du Mouvement Patriotique pour la Démocratie et le Développement (MPDD) qui a finalement rendu sa démission du parti avec « effet immédiat » le mardi 30 juillet 2024.

Pour lui, il n’est pas question de tourner dos à la DMK. « Il était question de laisser la DMK pour le MPDD. Ce que je n’ai pas accepté par manque d’arguments convaincants. Il était même prédit la noyade de la DMK dans les prochains jours », a expliqué Paul Missiagbeto qui affirme poursuivre la vision de Mgr Philippe Fanoko KPODZRO et de Gabriel Agbéyomé Messan Kodjo.

Par ailleurs, même avant son décès, Agbéyomé Kodjo avait perdu un de ses lieutenants, Gérard Adja qui créa, plus tard, la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), ensemble avec d’autres dissidents de la DMK dont Brigitte Adjamagbo Johnson de la CDPA.  Ils avaient protesté contre la décision de l’ex coalition de ne pas participer aux élections régionales et législatives du 29 avril dernier.

Le MPDD sur les traces de la CCP, du CAR… ?

L’Alliance démocratique pour la patrie (l`Alliance) de Maurice Dahuku Péré a été emportée avec son fondateur, parti dans l’au-delà. Aucun membre du parti n’est arrivé à prendre la relève. La Convention patriotique panafricaine (CPP), parti fondé par l’ancien Secrétaire général de l’OUA, Edouard Edem Kodjo, ne pèse plus.

Après quelques conflits internes pour la succession du fondateur, le Parti est dirigé aujourd’hui par Adrien Beleki qui ne trouve pas encore la formule appropriée pour remettre le train sur les rails. Le parti ne s’est pas présenté aux dernières élections organisées. La situation n’est pas rose, non plus, du côté des partis dont les leaders continuent d’animer la scène politique, quoique épuisés par le poids de l’âge.

La Convention démocratique des peuples africains (CDPA) peine à décoller depuis que Léopold Gnininvi a quitté la tête de la formation politique. Cette dernière ne roule que de coalition en coalition sans arriver à s’imposer seule parmi les siens même si le parti est arrivé finalement à avoir un député à l’Assemblée nationale pour la 7ème législature.

La situation semble identique à l’Union des Forces du Changement (UFC) de Gilchrist Olympio, ex-principal parti d’opposition qui a perdu sa force de mobilisation d’antan depuis la signature en 2010 d’un accord de gouvernement dit historique avec le parti au pouvoir et le schisme qui s’en est suivi et qui a débouché sur la création de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) par les dissidents, menés par Jean-Pierre Fabre.

Le parti jaune n’a pas participé aux élections présidentielles de 2015 et 2020. Le leader du parti, Gilchrist Olympio, avec son âge, passe beaucoup de temps à l’extérieur et ne s’immisce plus trop ou directement dans les affaires de son parti ou de façon générale dans la politique. L’UFC est une fois encore secouée actuellement par un bras de fer cinglant entre deux clans pour le contrôle et une gestion efficiente du parti.

Si, au cours de la précédente législature, le titre de chef de file de l’opposition était détenu par le parti, il faut relever qu’il parvient difficilement à mobiliser et à avoir l’adhésion et le soutien des populations.  Difficile de trouver un remplaçant aussi charismatique que Gilchrist Olympio, dans ses heures de gloire, et qui puisse mobiliser les populations, de Kodjoviakopé à Hilacondji comme c’était le cas entre 1998 et 2010. Le parti n’a même pas réussi à envoyer un seul député à l’Assemblée nationale.

Le Comité d’action pour le renouveau (CAR) est également vidé de sa substance. Sans le Bélier noir au volant, il redémarre difficilement. Me Yawovi Agboyibo est parti sans préparer un successeur. Le congrès du parti programmé récemment a été mouvementé où certains candidats en course ont dû s’écarter, laissant la voie libre à d’autres.

Certaines figures du parti comme Jean-Kissi, Nador Awoukou…n’ont pas pris part au congrès qui a conduit à l’élection de Daté Yao. De son vivant, le fondateur du parti, ancien premier ministre et avocat de renom, avait eu des bras de fer avec certains de ses collaborateurs dont Me Dodji Apévon fortement pressenti pour prendre la tête du parti.

Au congrès de 2017, le « Bélier noir » contre toute attente, avait repris les commandes du parti qu’il avait déjà conduit longuement de 1991 à 2008 malgré le poids de l’âge. Apévon quittera définitivement le parti pour lancer les Forces démocratiques pour la République (FDR).

Sans surprise, l’éminent professeur Aimé Gogué a été reconduit à la tête de l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) au cours du 5è congrès ordinaire du parti tenu le 27 mai 2023 à Lomé. La soixante dizaine révolue, il s’affiche encore comme l’unique capitaine à bord du bateau et la seule figure qui rassemble.

Avec le plus de députés (02) à l’Assemblée nationale, dans les rangs de l’opposition, le parti garde actuellement le titre de chef de file de l’opposition. Son leader a, d’ailleurs, présidé le bureau d’âge de l’actuelle législature.   Le MCD de Me Tchassona Traoré et le MRC de Abass Kaboua ainsi que le PSR du professeur Komi Wolou manquent de représentativité au Parlement.

Même les derniers nés des partis politiques évoluent sous le même schéma. Togo Autrement de Fulbert Attisso et le NET de Gerry Taama ont suffisamment valeur d’exemples. Le dernier, malgré son dynamisme, se résume presque à son leader même si c’est l’un des partis qui a regroupé plus de jeunes qui étaient au poste de responsabilités à la précédente Assemblée nationale.

Certes, de 3 sièges qui lui étaient acquis au cours de la précédente législature, le NET n’a pas pu décrocher 1 siège lors des élections législatives du 29 avril dernier. Et s’il a très tôt tiré les conséquences de cette bérézina électorale en annonçant son retrait de la vie politique, il est fait état de manœuvres visant à le réinstaller à la tête du parti.

Au Togo, le constat sans doute amer, est que la vie des partis d’opposition semble se résumer à la dimension personnelle de leurs fondateurs. La réelle formation des membres de ces partis ne reste-t-elle pas toujours un défi qui n’est pas toujours relevé ?

Pour rappel, la nouvelle Charte des partis politiques votée en 2022, oblige chaque parti à tenir, au moins, un congrès tous les 5 ans. « Le ministre chargé de l’Administration Territoriale est saisi officiellement de la tenue du congrès », stipule le texte.