Le paysage politique togolais va indéniablement être marqué par les résultats des dernières élections législatives. Pour la première fois, dans l’histoire contemporaine de notre pays, une formation politique rafle, à elle seule et sans s’être coalisée, dans des élections pluralistes avec la participation des principaux partis et leurs leaders, plus de 95% des sièges en jeu, au terme des résultats provisoires proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) le 04 mai dernier. Cette victoire écrasante d’Union pour la République (UNIR) va, sans doute, remodeler l’échiquier politique pour les prochaines années et renvoyer à la quasi-retraite, les dernières figures politiques sur la scène publique à la faveur de l’ouverture démocratique. Elle crée un contexte plus que favorable, juridiquement et politiquement, pour une mise en œuvre efficiente de la nouvelle Constitution, promulguée par le Président de la République le lundi 06 mai dernier.
La victoire d’UNIR était attendue par tout observateur averti de la scène politique togolaise. Mais son ampleur a surpris plus d’un, d’autant que les élections se sont déroulées dans un contexte politique tendu avec la réforme constitutionnelle dont la méthode et l’opportunité étaient vivement contestées par l’opposition. Celle-ci aurait pu faire mentir la chronique d’une défaite annoncée en rendant le match plus serré, à la faveur de cette contestation.
C’est plutôt le contraire qui s’est produit, avec une majorité sortante plébiscitée à plus de 70% en moyenne dans les 39 circonscriptions électorales du pays. Cela témoigne, à l’analyse, d’une adhésion incontestable aux idéaux et programme du parti et constitue à l’inverse, un véritable camouflet pour une opposition sonnée par ces résultats historiques et dont elle se remettra difficilement. D’autant, si elle continue à s’enfermer dans son déni habituel de la réalité de ses faiblesses et de sa perte de vitesse dans bon nombre de zones, ainsi que dans son refus d’une introspection sans complaisance.
Plus de bastions
L’un des enseignements de ces élections est qu’il n’existe plus de bastions de l’opposition. Le ton en avait été donné dès 2013 où la région des Plateaux s’était offerte très majoritairement à UNIR et des conquêtes dans le Grand Lomé, dans le Zio, voire les Lacs et le Vo, jusque-là des citadelles imprenables de l’opposition.
Ces poussées se sont confirmées, élections après élections, y compris présidentielles, pour aboutir aujourd’hui à ces résultats où UNIR a opéré une véritable razzia. « Même des sanctuaires comme Bè, Kodjoviakopé, Nyékonakpoé sont tombés. Dans le Grand Lomé, c’est 11 sur les 14 sièges. Ces résultats sont pour le pouvoir non pas une percée dans ces zones mais plutôt une vraie conquête. Reste à savoir si dans un temps sans doute lointain, l’opposition pourra reconquérir ses anciens bastions », commente un brin défaitiste, ce dirigeant de l’ANC.
De fait, entre 2007 et 2024, en considérant les 3 élections législatives auxquelles les principaux partis politiques ont participé (exit les législatives de 2018), UNIR a progressé de 961% dans le VO, de 237% dans le Zio, de 364% dans l’Avé et de 713% dans le Yoto
La fin de la bipolarisation
Le ras de marée d’UNIR a entraîné une conséquence pour le moins inattendue. C’est la fin de la bipolarisation de la vie politique togolaise. Depuis la période des indépendances, la vie publique dans notre pays a toujours été rythmée, y compris lors des pluralistes, par une bipolarisation que consacraient les électeurs en accordant leurs suffrages essentiellement à deux partis. Avaient ainsi succédé au couple CUT-PTP, celui de RPT-UFC, puis UNIR-CST, UNIR- ANC et enfin UNIR-DMK lors des présidentielles de 2020. L’écrasante victoire de la formation présidentielle laisse désormais l’opposition en miette, avec des voix si éparpillées qu’on est plus proche d’une uni-polarisation que d’une bipolarisation.
Quelques clés du succès
Plusieurs facteurs ont concouru à cette victoire historique d’UNIR. Outre l’indéniable faiblesse de l’opposition ainsi que son abyssal déficit de projet, il faut relever la discipline et la solidarité dont ont fait preuve les membres du parti Unir.
De fait, de nombreuses personnalités, pourtant pas candidates, se sont investies dans la campagne, à l’instar du ministre d’Etat Yark Damehame, du ministre du Travail, de la Fonction publique Gilbert Bawara, de la ministre Secrétaire générale de la Présidence Sandra Johnson, du ministre chargé de l’Accès Universel aux Soins Jean-Marie Tessi, du Conseiller Politique du Président de la République Pascal Bodjona, de l’ancien ministre Malick Natchaba ou encore du Commissaire général de l’Office togolais des recettes ( OTR) Philippe Tchodie etc.
En outre, UNIR a fait le choix de présenter des candidats de divers horizons et secteurs d’activité, sans distinction d’âge ou de sexe. Ainsi, ses listes comprenaient des jeunes, des moins jeunes, des femmes, des cadres fonctionnaires, des opérateurs économiques, des artisans, etc.
La victoire du parti présidentiel, rappellent ses dirigeants, est également le résultat d’une proximité entretenue, bien en amont des élections, avec les populations. Ainsi, les cadres de la formation bleue n’ont pas attendu la veille du scrutin pour multiplier, dans leurs localités d’origine, des actions socio-économiques dont la construction d’infrastructures dans les secteurs de la santé, de l’eau, de l’éducation et de l’agriculture.
L’organisation efficace de la campagne a été aussi un atout déterminant. Partout, les candidats ont opté pour le porte-à-porte au cours de la première semaine de campagne. Cette approche leur a permis d’échanger avec les populations de manière pédagogique et d’expliquer les projets du parti ainsi que la procédure de vote.
Le parti a par ailleurs fait preuve d’innovation dans sa communication. Outre les actions classiques et les traditionnelles affiches, UNIR a beaucoup investi les réseaux sociaux, exploitant et utilisant tous les outils disponibles.