Difficile de ne pas faire un lien entre le limogeage d’Essowanam Adoyi et la célébration fastueuse du mariage de son fils, dont les images ont fait le tour des réseaux sociaux le week-end dernier. Cette piste est d’autant plus crédible qu’aucune raison officielle n’a été évoquée, 24 heures après le décret présidentiel mettant fin aux fonctions du commissaire des impôts. Si elle se confirmait, serait-elle annonciatrice d’une république désormais « exemplaire » ?
Le limogeage d’Esso Adoyi ce 09 septembre est une vraie surprise. Le désormais ex-commissaire des impôts était non seulement un haut cadre reconnu comme compétent, mais également un influent membre du régime, apprécié du Chef de l’Etat. Tandis que la prochaine équipe gouvernementale tarde à se constituer, la ville bruissait même de rumeurs l’envoyant au ministère de l’Economie et des Finances, si l’actuel titulaire du portefeuille devait se retrouver à la Primature. Autant dire que l’avenir professionnel de ce quinquagénaire s’annonçait encore prometteur ; personne ne le voyant entravé de si tôt.
« Pompeux ».
C’est le mot qui revient le plus souvent dans les commentaires sur les réseaux sociaux , voire dans la presse pour décrire le mariage du fils du colonel des Forces armées togolaises (FAT). Avec un parterre de plusieurs centaines d’invités, parmi lesquels une demi-douzaine de ministres et d’anciens ministres, plusieurs dirigeants de sociétés issues des secteurs privé et public, d’éminentes personnalités issues de différentes catégories socioprofessionnelles, ce fut indéniablement une célébration fastueuse, aux dires mêmes de plusieurs de convives. Mais pas au point de justifier toute la pluie de boues et d’insultes qui se sont abattues sur monsieur Adoyi, sauf à convoquer des sentiments peu glorieux et que l’homme peut avoir de plus vils en lui : l’envie, la jalousie. En effet, objectivement et sans entrer dans le débat légitime mais hors propos sur l’origine de ses biens, l’on peut difficilement considérer la fête organisée à l’occasion de ce mariage de « dispendieuse » ou de « pharaonique », au vu notamment du statut du père du marié. Le « travaillement » avec des billets de 500 FCFA comme vu sur les vidéos, est tellement fréquent en de pareilles occasions, y compris dans des milieux plus modestes, pour ne choquer que ceux veulent à tout prix et pour d’autres raisons, l’être.
Légèreté et manque de responsabilité
En réalité, ce qu’on peut reprocher à l’ex-commissaire des impôts, c’est qu’en ces temps de pandémie, il ait réuni plusieurs centaines de personnes pour une célébration au mépris des mesures barrières édictées par les autorités, qui interdisent des rassemblements de plus de 15 personnes ; même si certains des convives nous ont assuré que l’intéressé n’avait de cesse de rappeler les dangers de la COVID-19 pendant ses prises de parole. De fait, il a fait preuve de légèreté et manqué d’esprit de responsabilité et d’exemplarité. Au demeurant, il faisait partie quelques jours plus tôt d’une délégation de cadres Tems/Kotokoli, communauté dont il est issu, ayant effectué une campagne de sensibilisation dans leur région qui connaît une inquiétante courbe ascendante de la maladie depuis la fête de la Tabaski, pour appeler au nécessaire respect des mesures barrières. Tout l’opposé de ce que les vidéos du mariage de son fils ont démontré.
Exemplarité et modestie.
La décision du Chef de l’Etat, tombée comme un couperet, est indiscutablement une sanction, tant dans sa forme que sur son fond. Même si l’hypothèse d’autres motivations à ce limogeage reste plausible, les conditions d’organisation du mariage restent au cœur de la mesure, étant au minimum la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le décret de Faure Gnassingbé vient rassurer tous ceux qui ont vu en ces images et vidéos de la fête, une arrogance de la classe dirigeante désormais désignée comme « la minorité », un mépris envers les populations soumises à des règles dont elle-même ne s’embarrasse pas, la défiance envers une maladie qui pourtant continue à tuer. Il met provisoirement fin à une polémique qui se développait sur les réseaux sociaux relativement à l’impunité ou à l’absence de sanctions dont jouit la « minorité ». Provisoirement parce que c’est l’avenir qui dira si l’exigence d’ « exemplarité et de modestie » qu’on peut lire dans ce limogeage, sera une des valeurs promues tout au long de ce nouveau mandat, ou restera un acte isolé.
Un technicien de qualité.
Malgré tout, les impôts perdent un technicien de qualité. Nommé à la tête du commissariat des impôts en 2014 suite à la fusion de la Douane et des Impôts où il a mené une carrière d’inspecteur, Esso-Wavana Adoyi est un réformateur. Ses actions ont tourné autour de deux maîtres mots : alléger et simplifier. A son actif , entre autres le télépaiement, la télé déclaration et plus récemment le Système automatisé de marquage (SAM) entré en vigueur début septembre, pour lutter contre les importations illégales.
Réuni ce jour , le Conseil d’administration de l’OTR a désigné le Commissaire des douanes et des droits directs , Atta Kakra-Essien, pour assurer son intérim. Aux termes des dispositions de l’article 24 de la loi portant création de l’OTR, le Conseil d’administration devrait recruter son successeur sur concours. Celui-ci sera ensuite nommé par décret pris par le Président de la République en Conseil des ministres.