Alors que la région des Grands Lacs est en proie à un conflit larvé, devenu quasi-permanent entre la RDC et le Rwanda, plus exactement pour le contrôle de l’Est du pays de Félix Tshisekedi, la désignation de Faure Gnassingbé suscite grand espoir et semble être l’un des ultimes recours pour la paix.
De fait, cette désignation ne tient ni du hasard ni de la routine diplomatique. Elle témoigne d’un point de bascule historique dans la gestion régionale d’un conflit devenu quasi-permanent. Un conflit qui, à la croisée des intérêts nationaux, géopolitiques et économiques, a résisté à toutes les initiatives antérieures. Et qui, malgré l’usure diplomatique, continue d’engloutir vies humaines, opportunités économiques et stabilité sous-régionale.
Autant dire que les attentes qui pèsent aujourd’hui sur Faure Gnassingbé sont immenses, proportionnels à l’ampleur du drame congolais. Et des facteurs plaident en faveur de sa nomination pour conduire la médiation entre les « frères ennemis » de la Région des Grands Lacs, Félix Tshisekedi et Paul Kagamé.
Primo, Faure Gnassingbé n’est pas perçu comme partie prenante au conflit. Ni la RDC ni le Rwanda, ni les acteurs économiques impliqués dans les circuits illicites de minerais, ne peuvent le soupçonner d’agenda caché. Ce capital de neutralité constitue un atout rare. Mais il est aussi source d’une responsabilité : il devra incarner un arbitre, non un parrain.
Deuxio et c’est la conséquence du premier point, il devra proposer mieux que ce dont avaient accouché les processus de Nairobi (EAC) et de Luanda (UA) qui ont démontré les limites d’une médiation exclusivement interétatique. Oui, impulser une médiation plus inclusive, intégrant les représentants des communautés victimes, des groupes armés locaux prêts au désarmement, et de la société civile congolaise, entre autres. Le principal défi, c’est engager une course contre la montre. Le temps étant loin d’être un allié du président togolais, à l’aune des attentes de tout un continent sur des résultats rapides mais pas éphémères ni trompeurs.
Plusieurs fois désabusée, l’opinion publique congolaise, épuisée par les promesses creuses, réclame des gestes concrets : cessez-le-feu respectés, retraits de troupes, réouverture des routes, retour des déplacés. Faure Gnassingbé devra démontrer sa capacité à transformer les mots en mécanismes, et les engagements en actions. D’où cette question qui taraude les esprits : Faure Gnassingbé pourrait-il réussir là où les autres ont échoué ?
Si dire que cette mission est difficile est un pur euphémisme, certains facteurs pourraient, favoriser la réussite du mandat de bons offices du président togolais. La diplomatie togolaise incarnée par Faure Essozimna Gnassingbé, est reconnue pour sa discrétion et son efficacité.
Depuis plusieurs années, Lomé a su se positionner comme une plateforme de dialogue crédible en Afrique de l’Ouest et au-delà. Pour avoir hébergé plusieurs négociations sensibles: conflits interethniques, processus de paix, libérations d’otages, dans un passé encore récent. Grâce à une équipe rodée, et un style de diplomatie qui privilégie la discrétion, la patience et le résultat.
Également, l’échec progressif des initiatives régionales et le retrait annoncé de la MONUSCO créent un vide, accroissant les craintes d’un enlisement du conflit d’un côté, tandis que de l’autre, l’essoufflement du M23 et les tensions internes au Rwanda semblent offrir une fenêtre ouverte à une énième tentative de médiation. Faure Gnassingbé pourrait profiter de cette dynamique pour proposer sa solution de sortie de crise.
Avec une légitimité renforcée par la reconnaissance continentale, il a des cartes à jouer. Mais il faudra faire vite. Car si le président togolais n’est pas un prestidigitateur, il est peut-être le dernier médiateur à qui toutes les parties sont prêtes à parler sans faire crépiter les armes. C’est-à-dire, dans un contexte souhaité d’un cessez-le-feu. Ce n’est certes pas beaucoup. Mais c’est peut-être suffisant pour enclencher un mouvement vers la paix.
Si cette mission échoue, c’est la régionalisation totale du conflit qui guette. En revanche, si elle réussit, elle redonnera espoir à des millions de Congolais et renforcera la place du Togo dans l’histoire de la construction voire consolidation de la paix africaine.
Prenons un pari pour la paix ! Alors, Monsieur le Président, à vous la parole.
