Haro sur le Baudet !

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Suspension à nouveau d’un des nôtres, incitant dans certains milieux des voix à pousser des cris d’orfraie. Eh oui ! Les sanctions se multiplient à l’encontre de la presse togolaise, la sanction étant devenue, par la force des choses, un véritable instrument de régulation au Togo. Faut-il s’en réjouir ou plutôt, condamner avec notre dernière vigueur, tels des moutons de Panurge, une décision déjà décriée dans certains milieux comme attentatoire à l’exercice de la liberté d’opinion et plus précisément à celle de la presse ? Toute réaction à cette actualité mériterait des questionnements préalables.

Trois mois de suspension du bimensuel Tampa Express pour avoir titré dans l’un de ses articles parus dans le N°068 du mercredi 30 octobre 2024 : « Dr Sandra Ablamba Johnson, l’étoile montante des « putains » de la République dans ses œuvres », – soit dit en passant un acte qui n’appelle aucune bravoure mais révèle simplement une volonté assumée de défiance à l’égard des autorités de la République -, c’est la sentence infligée au confrère.

Ne nous en cachons pas, les conditions d’exercice de la liberté de presse concédées aux lendemains de l’Accord Politique Global (APG) en 2006, sur fond de dépénalisation du délit de presse auront subi de sensibles altérations dans le temps. Mais reconnaissons entre acteurs que notre gestion de ce précieux acquis, détournée sinon malintentionnée et adressée à une entreprise de nuisance, aura conduit l’autorité à réajuster le texte aux nouvelles donnes. Car si la liberté de presse ne devrait sous aucun prétexte être remise en cause, rien ne justifierait non plus l’instauration d’un régime d’impunité pour des catégories de citoyens qui simplement parce qu’ils s’affublent du titre ronflant de journalistes, s’arrogeraient un droit divin de nuire à autrui.
La critique d’une gouvernance ou d’une conception de la gestion du pouvoir ou des affaires de la cité que l’on ne porterait peut-être pas dans son cœur signifierait-elle de s’autoriser des actes de calomnie, d’outrage, de manque de respect à des autorités établies…Jusqu’à les traiter de «putains » ?
Les sorties punitives de la HAAC sont de plus en plus récurrentes…à l’encontre de la presse togolaise. C’est un truisme. Qu’à cela ne tienne, ce serait improductif, voire contre-productif que d’angéliser les nôtres, au nom de l’appartenance à une corporation ayant en partage le stylo, le calepin, l’ordinateur, un micro, une caméra, un appareil photo.
Au-delà de toute émotion, de toute passion sur fond de clivage, posons-nous les bonnes questions. Le Journalisme accorde-t-il le droit de proférer injures, d’exceller dans les calomnies et entreprises de diffamation ? En quoi traiter de putain une femme aux affaires, (mariée ou non, mère ou non), mais fille quand même, sœur, nièce ou cousine informe-t-il l’opinion ?
Sauf à recourir à la Chambre administrative de la Cour Suprême aux fins d’obtenir annulation de la décision de l’Autorité régulatrice de la presse au Togo et surtout faire prospérer cette cause devant l’instance juridictionnelle, les griefs formulés à l’encontre du confrère révèlent des manquements professionnels graves dans la rédaction de l’article pointé du doigt, d’après le gendarme des médias, le média n’ayant pu apporter « la moindre preuve de la véracité des informations et accusations publiées dans l’article de son journal N° 068 du 30 octobre 2024».

Au lieu de jouer à l’avocat du diable, au nom d’une certaine confraternité, nous gagnerions à exhorter les nôtres à revenir aux fondamentaux de ce métier si noble que nous chérissons tant et qui nous investit d’un pouvoir : celui d’être un contre-pouvoir surtout, si par la force des choses, les moyens de contrôle républicains d’un pouvoir par l’autre deviennent inopérants.
Nous gagnerions à prendre position de but en blanc et à rester droit dans nos bottes : « Nous ne sommes pas Tampa Express». Nous ferions œuvre plus utile à engager notre confrère, sinon à nous engager à plus de professionnalisme.