La Conférence des Evêques, l’Eglise Méthodiste et l’Eglise Evangélique Presbytérienne ont tout faux

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Dans un communiqué conjoint rendu public ce jour, la Conférence des Evêques du Togo (CET), l’Eglise méthodiste du Togo (EMT)  et l’Eglise évangélique presbytérienne du Togo (EEPT) se proposent d’aider à la résolution de ce qu’elles qualifient de crise sociopolitique en cette période de pandémie du COVID-19. Cette initiative intervient au lendemain d’une déclaration unitaire  de la CET dont la teneur peut difficilement favoriser le  rôle de médiateur qu’entendent jouer les églises togolaises.

«  La place de l’Eglise est au milieu du village ». Cette maxime qu’aime à répéter un confrère, animateur d’une émission radiophonique très courue, semble avoir perdu toute portée dans notre pays. Et ceux qui s’échinent à la rappeler, sont voués aux gémonies. Bien à tort !  Car,  pour avoir depuis plusieurs mois refusé  de se mettre au «   milieu du  village », les églises du Togo et surtout la CET, se sont disqualifiées pour prétendre jouer le rôle de facilitateur ou celui de  médiateur.

En effet, en remettant en cause les résultats de l’élection présidentielle de février dernier qu’elle  considère comme ne reflétant pas la volonté du peuple togolais, à rebours de toutes les institutions impliquées dans l’organisation et  la supervision du processus, de toutes les missions d’observations, et sans apporter aucune preuve au soutien de ses affirmations mais simplement « la main sur le cœur », la CET a pris parti dans une compétition tranchée par les institutions qui en avaient compétence et prérogatives. Dès lors, elle ne peut se prévaloir de la neutralité qu’elle aurait pu évoquer et qui normalement lui est consubstantielle, pour prétendre intervenir dans le contexte actuel. Désormais et clairement pour tous, l’église s’est déplacée du milieu du village vers une direction qu’elle devra assumer.

AFFAIRE JUDICIAIRE

Qui  peut croire sérieusement qu’Agbéyomé Kodjo fait face à  des  déboires judiciaires pour avoir contesté les résultats de l’élection présidentielle et revendiqué sa victoire ? Depuis l’avènement du pluralisme politique dans notre pays et même s’il n’y a pas lieu de s’en pavoiser, toutes les élections , y compris présidentielles ont toujours été contestées.  De Gilchrist Olympio à Jean-Pierre Fabre en passant par Bob Akitani, les candidats ont systématiquement  allégué avoir remporté le scrutin. Pourtant, aucun d’entre eux n’a fait l’objet de poursuites pénales, quand bien même ils aient obtenu de bien meilleurs scores que l’ancien Premier ministre, et ont été porté par des dynamiques plus structurées et mieux implantées dans le pays.

C’est dire donc, et pour peu que l’on soit de bonne foi, que les raisons des ennuis judiciaires de monsieur Agbéyomé devraient être recherchés ailleurs que dans la simple contestation dont sont coutumiers  tous les candidats malheureux en Afrique. Elles résident dans  son adresse aux Forces armées togolaises (FAT)   pendant la campagne en faisant usage des symboles et emblèmes de l’État,  dans les  accusations  notamment contre le Chef de l’État d’être le cerveau des incendies des grands marchés de Lomé et de Kara. Mais également  dans  son adresse à la nation et aux FAT leur demandant  de se rallier à lui pour prendre le contrôle de tous les leviers de l’État,   Ou encore dans la nomination d’un Premier ministre et dans  la création d’un site web dénommé « Gouv-tg.com », portail officiel du gouvernement du Togo. Ces faits peuvent recevoir la qualification de troubles aggravés à l’ordre public, de diffusion de fausses nouvelles, de dénonciation calomnieuse et d’atteinte à la sécurité intérieure de l’État,  prévus et punis par le nouveau code pénal.

Cela n’emporte pas cependant qu’ils sont avérés contre le candidat du MPDD, encore moins que l’infraction soit constituée. Le régime de la garde-à-vue auquel il est astreint le candidat n’est donc  qu’une simple mesure de privation de liberté prise à  son encontre pour les besoins  de l’enquête judiciaire. Elle permet aux enquêteurs de l’avoir  à leur disposition pour pouvoir l’interroger et vérifier si ses déclarations sont exactes. A l’expiration du délai et des éventuelles prolongations, il peut être présenté au juge ou au procureur, ou  être libéré.

JUGE ET PARTIE

Dans leur déclaration, à l’instar de ce que furent  les précédentes dans d’autres situations, les évêques n’ont jamais recherché le nécessaire équilibre que leur impose le statut qu’ils croient légitimer leur intervention. De fait, s’ils dénoncent par exemple l’usage de la force pour accéder à la maison du candidat Kodjo, ils omettent délibérément de relever que les lieux étaient barricadés. Ou qu’au surplus l’intervention des forces de l’ordre a été précédée par trois invitations à se rendre au Service central de recherche et d’investigation criminelle ( SCRIC) , auxquelles le député  n’a pas déféré ; faisant dire par ses avocats la veille de la convocation, qu’il ne se présenterait point. Même Jean-Pierre Fabre, au faîte de sa popularité et bien avant lui d’autres leaders de l’opposition, s’est  toujours présenté  chaque fois qu’il a été convoqué.

Pendant les différentes séquences préélectorales, électorales et post-électorale, aucune des églises ne s’est guère émue des propos et comportements outranciers de Mgr Philippe Kpodzro, des insultes, calomnies et diffamations proférées aussi bien à l’encontre de Faure Gnassingbé, que des leaders de l’opposition, notamment Jean-Pierre Fabre. Sur la question, leur défense consiste à arguer de démarches non publiques. Curieuse attitude consistant à dénoncer publiquement les faits des uns, et à le faire en privé pour les autres.

De fait, ce déséquilibre permanent et systématique dans la lecture que fait la CET de la situation lui enlève toute crédibilité pour incarner une voie de facilitation ou de médiation. D’autant qu’en son sein, siège Mgr Philippe Kpodzro, ce qui fait de lui juge et parti. Et que dire du pasteur Daniel Mawusi Akotia, modérateur de l’EEPT, un contempteur notoire du régime, dont les visiteurs du soir sont abreuvés de diatribes anti-Faure. Difficile d’incarner le visage de médiateur dans ces conditions.

AU DESSUS DE LA MÊLEE :

A la lecture du communiqué conjoint, deux autres éléments interpellent. Il s’agit d’abord de ce qui s’apparente à un préalable : la libération de monsieur Agbéyomé Kodjo. Comme relevé ci-dessus, celui-ci n’est à l’heure où est publié le communiqué, en détention préventive, encore moins condamné, mais simplement en garde-à-vue. L’  exigence de libération de ce point de vue semble curieuse. Elle l’est encore davantage venant de la part de ceux qui se proposent comme médiateurs. En effet,  l’exigence de la satisfaction d’un préalable pour l’ouverture d’une négociation est habituellement le fait d’une des parties. Qu’elle vienne des médiateurs est extraordinairement rare. Elle aurait pu valablement et éventuellement être évoquée lors de la rencontre  avec le Chef de l’Etat, et non mise sur la place publique.

Mais le plus étonnant est que les églises mettent sur le même pied d’égalité le Président de la République, «  des membres de la Dynamique Kpodzro » dont on ne sait d’ailleurs si c’est une dénomination officielle d’un regroupement ou d’une coalition de partis politiques, et l’Alliance nationale de changement, par ailleurs objet depuis plusieurs mois d’attaques ignominieuses  sans que cela n’ait ému aucune de ses églises. En effet, envisager une discussion avec ce trio équivaut à considérer qu’il constitue les acteurs principaux de la crise alléguée. Une impertinence car le président de la République est une institution, constitutionnellement au-dessus de la mêlée,  et pas les deux autres. Il aurait pu être rencontré seul et à ce titre le cas échéant. Ou à  défaut, son parti UNIR. Pour cette raison et pour toutes les autres évoquées plus haut, il est peu probable que les églises obtiennent un rendez-vous avec le Chef de l’Etat. Mais qui sait, avec les religieux,   le miracle est possible.