Entre deux rendez-vous lors de son dernier passage à Lomé, le Président Directeur Général de GYS a confié à notre rédaction, les ambitions de son groupe. Société française productrice de matériels de soudage industriel et de batteries, GYS pourrait faire du Togo sa plate-forme sous régionale. Cette éventualité qu’a évoquée Bruno Gouygues confirme l’amélioration par notre pays de son climat des affaires. Coïncidence, le Français était à Lomé au moment où était publié le rapport Doing Business 2020. Venu discuter entre autres du repositionnement de son groupe sur le marché national et sous régional avec ses partenaires, il a exprimé son admiration pour les avancées réalisées par le Togo en peu de temps. « Quel développement exceptionnel en trois ans ! » s’est-il exclamé dans cet entretien exclusif accordé à Focus Infos…
Focus Infos : Vous séjournez depuis quelques jours au Togo. Dans quel cadre s’inscrit votre visite ?
Bruno Bouygues : Je suis venu à Lomé pour deux raisons. D’abord parce que cela faisait un moment que je n’étais plus venu ; la dernière fois c’était en 2016. Ensuite pour voir des clients, des industriels et des amis.
F.I. Vous êtes le PDG de GYS et très connu dans le milieu des affaires à travers le monde. Mais peut-être un peu moins dans notre pays. Voudriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
B.B : Je m’appelle Bruno Bouygues. Je suis le patron –ndlr : Président Directeur Général- de GYS. C’est un groupe industriel français qui fabrique deux familles de produits. Du matériel de soudage pour assembler des métaux, et des chargeurs de batteries pour tout ce qui roule. Ça va aussi bien de la trottinette électrique qu’ aux camions, en passant par les trains, les avions et même les satellites.
F.I. GYS fournit en matériaux et biens d’équipements des clients à Lomé, notamment la CCT, La Roche, le Watt etc….Vu le boom de l’immobilier et de la construction dans notre pays, quelle politique commerciale pourriez-vous développer pour rendre vos prix compétitifs ?
B.B : Au Togo, nous avons aujourd’hui un très bon distributeur, CCT Bâtimat. On discute aussi avec d’autres belles maisons , notamment La Roche et Le Watt qui distribuent des produits équivalents.
Pour être compétitif dans votre pays, il faut que nous soyons capable d’expédier rapidement, avoir des pièces détachées et du consommable sur place, parce que dans le prix d’un produit, il y a outre la valeur d’achat, le coût de la maintenance. Nous avons l’opportunité d’avoir un très bon partenaire qui stocke, qui dialogue avec nous au quotidien pour s’assurer que nos utilisateurs soient les plus percutants. C’est la dimension de la gestion commerciale. Pour que nos produits soient accessibles, nous avons deux usines qui livrent au Togo : une en France et une autre en Chine.
F.I. Quel regard portez-vous sur le marché togolais et quelles y sont vos perspectives en termes d’investissement et de croissance ?
B.B : GYS a toujours eu une relation commerciale avec le Togo. Aujourd’hui, on réfléchit à une base en Afrique de l’Ouest. Votre pays dispose pour cela des atouts évidents. Vous avez la chance d’avoir un port performant, rapide et fonctionnel. Avec peut-être demain un port sec qui reliera le Burkina Faso.
Vous avez également beaucoup investi dans les infrastructures récemment. Ce qui fluidifie les échanges vers le Ghana, le Bénin ou encore le Nigéria.
De fait, si les potentialités du pays se développaient, il pourrait servir de plate-forme pour GYS dans la sous-région. Nous pourrions y développer la technologie, y installer des usines etc.
F.I. On sent un petit doute !
B.B : Je n’ai aucun doute sur le Togo. Bien au contraire, GYS s’installera au Togo pour la partie Afrique de l’Ouest. J’ai évoqué les atouts pour installer une base commerciale : le port, les routes, les télécom, la culture française… Ce qui prendra probablement du temps, c’est une éventuelle installation d’usine. D’ici là, nous pourrions créer des structures pour développer des logiciels exportables dans le monde entier.
F.I. Le Togo améliore de plus en plus son climat des affaires. Il vient d’ailleurs de faire un gros bond dans le classement Doing Business 2020. Quel commentaire cela vous inspire –t-il ?
B.B : Toutes mes félicitations ! J’imagine que c’est un travail de longue haleine. Quand on regarde la sous-région, on a le sentiment qu’en ce moment le Togo est un véritable havre de paix pour les affaires et pour les entrepreneurs. Je vous en félicite. Pour nous, c’est une très bonne nouvelle. Cela permet de faire rayonner le Togo et ça attire les investisseurs.
F.I. Le référentiel de notre pays en matière de politique de développement est le Plan National de Développement (PND). Le Gouvernement veut convaincre le secteur privé d’apporter 65% des 7 milliards d’euros dont ce plan a besoin pour sa pleine mise en œuvre. Comment et à quel niveau pourriez-vous participer à cet élan ?
B.B : Ce qui m’a le plus surpris, c’est le niveau d’investissement public pour améliorer en 3 ans vos infrastructures. Maintenant, il y a plusieurs secteurs sur lesquels je pense qu’il faut continuer à investir. Avec la qualité du port que vous avez, vous pouvez tout à fait créer des zones industrielles qui pourraient dans un premier temps travailler tout ce qui est habillement, bois ou métal. GYS est dans le métal et l’assemblage des métaux. Nous pourrions nous positionner si vous allez dans cette direction.
Il y a également la qualité de vos infrastructures télécoms. Il faut en profiter pour construire des universités, des écoles et fournir du service. Dernier point : vous avez des atouts exceptionnels pour faire du tourisme. Il faut absolument attirer des investisseurs européens, américains, russes, chinois ou canadiens pour développer ce potentiel et le pays.
Vous avez beaucoup d’avantages comparatifs : il faut simplement les valoriser et les développer.
F.I. On vous sait, engagé dans le développement ; notamment en France. Quel message aux jeunes startupeurs togolais qui vous lisent ?
B.B : Un point très important : il faut bien comprendre que le digital et le numérique sont en train de créer une révolution fondamentale.
Dans votre métier, auparavant vous étiez uniquement sur du support papier. Maintenant, vous êtes sur le numérique. Dans le mien, nous sommes passés de transformateurs aux cartes électroniques. Aujourd’hui, ces cartes électroniques se connectent. En se connectant, elles construisent des services associés. Quel que soit le secteur, tout va se transformer.
Aux startuppeurs, je dirais donc regardez votre pays, regardez les bonnes idées du monde entier, les révolutions dans chaque secteur et essayez de les ramener au Togo, de développer la bonne formule pour votre pays et pour la sous-région. Cela peut-être dans la nourriture, l’agriculture, la santé, l’industrie ou les services. Je pense qu’il y a énormément de sujets sur lesquels les jeunes startuppeurs peuvent travailler. Vous avez une main d’œuvre qui est de qualité, alors profitez-en !
Dans ce monde numérique, ce qui est exceptionnel, c’est qu’à partir du moment où vous avez une infrastructure numérique et télécom qui existe aujourd’hui, tout est possible. Je pense que le développement du Togo, de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique en général va être exponentiel. Parce que dans ce monde qui devient de plus en plus numérique, tout le monde a sa chance. Ce qui fera la différence, c’est le travail, l’ambition, l’envie et la capacité à fédérer autour de soi, des hommes et des femmes pour porter un projet.
F.I. Votre mot de la fin
B.B : J’aimerai finir sur cette constatation. Je suis venu il y a trois ans, je suis revenu aujourd’hui. Quel développement exceptionnel en si peu de temps ! J’ai un seul regret : que mon voyage ne coïncide pas avec l’ouverture du Palais de Lomé. Parce que ce Palais va être, je pense, le phare de la sous-région pour tout ce qui est artistique. Il va servir de moteur de développement touristique. Je pense que cela va faire rayonner le Togo dans le monde entier. C’est une plateforme de communication merveilleuse. Si vous l’utilisez bien, cela va faire venir beaucoup de monde qui investira dans le tourisme. A partir de là, les premiers investisseurs vont entraîner les seconds, ainsi de suite…Si tout va bien, le Togo va fortement progresser dans les années à venir. Je suis très optimiste !
Propos recueillis par Bassane RAMINA