Poursuivis pour diffamation, atteinte à l’honneur et incitation à la révolte par le Ministre d’Etat, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière, Kodjo ADEDZE, les confrères Loïc LAWSON, directeur de publication de l’hebdomadaire Flambeau des Démocrates, et Anani SOSSOU, journaliste freelance, ont été placés sous mandat de dépôt ce 14 novembre après leur passage devant le juge d’instruction à l’issue de leur garde-à-vue à la Brigade de Recherches et d’Investigation (BRI). En attendant la suite de la procédure, ils ont été transférés en début de matinée à la prison civile de Lomé. Cette nouvelle affaire questionne plus que jamais la révision du Code de la presse issue de la loi du 07 janvier 2020, qui a quasiment vidé de sa substance les acquis de la dépénalisation.
Les confrères Loïc LAWSON et Anani SOSSOU sont depuis cette matinée pensionnaires de la prison civile de Lomé. Leur dépôt fait suite au mandat du juge d’instruction délivré contre eux hier en fin de journée à l’issue d’une longue audition. Ils étaient gardés à vue depuis la veille à la BRI.
C’est le dernier épisode de l’affaire dite des « 400 millions et plus » qui auraient été dérobés lors d’un cambriolage au domicile de Tsévié du ministre d’Etat, Kodjo ADEDZE.
C’est d’abord Ferdinand Ayité qui a évoqué l’affaire sur sa page Facebook, sans donner de nom de la victime du présumé cambriolage, ni relever de montant, indiquant simplement qu’il s’agirait d’«un puissant ministre ».
Sur le compte Twitter de son journal, le directeur de publication de Flambeau des Démocrates a « révélé » qu’il s’agirait du ministre ,d’Etat et que le préjudice avoisinerait les 400 millions de FCFA. Ce que semblait confirmer plus tard sur sa page Facebook Anani SOSSOU, donnant un chiffre plus important. Ce sont ses publications qui font aujourd’hui objet de poursuites sur plainte du ministre pour diffamation, atteinte à l’honneur et incitation à la révolte. En début de semaine, les confrères sont revenus dans de nouvelles publications sur leurs premières affirmations, indiquant que les montants dérobés seraient largement en deça de celles publiées, sans pour autant que la machine judiciaire mise en branle ne soit ralentie ni arrêtée.
Code plus répressif
Ces arrestations qui ne sont pas sans rappeler celles de Ferdinand AYITE et de feu Joël EGAH en 2021 émeuvent la corporation et inquiètent les journalistes. Ils y voient une remise en cause de la dépénalisation et craignent une lente réduction de l’espace de la libre expression.
Cette situation est consécutive à la dernière modification du Code de la presse issue de la loi N° 202-001 du 07 janvier 2020, entrée finalement en vigueur en janvier 2022 après 2 ans de moratoire. Celui-ci ne prend pas en compte les réseaux sociaux. L’article 03 dudit code le dit expressément : « le présent code exclue de son champ d’application, les activités de production cinématographiques. Les réseaux sociaux sont également exclus du champ d’application du présent code, lesquels sont soumis aux dispositions du droit commun ». Au sens du code, les blogs, les réseaux sociaux n’ont pas pour objectifs de traiter et de diffuser les informations ayant un caractère journalistique.
De fait, « tout journaliste, technicien ou auxiliaire des médias, détenteur de la carte de presse, qui a recours aux réseaux sociaux comme moyens de communication pour commettre toute infraction prévue dans le présent code, est puni conformément aux dispositions du droit commun » précise l’article 156.
Pour que donc le Code de la Presse s’applique à la place du Code Pénal, la qualité de journaliste ne suffit pas. La détention de la carte de presse non plus. Il faut nécessairement que l’infraction reprochée ait été commise par voie de presse écrite, presse en ligne, presse audiovisuelle. Ainsi, les publications des confrères Loïc LAWSON et Anani SOSSOU auraient été faites dans un journal, sur une radio, à la télévision ou sur un site internet déclaré à la HAAC que la procédure ne serait pas celle ouverte à leur encontre.
C’est cette nuance, très préjudiciable aux professionnels des médias et qui fait peser sur leur tête une épée de Damoclès, qu’ils veulent voir désormais évoluer, dans l’esprit de la dépénalisation.
Il faut dire que ceux-ci comme leurs organisations représentatives n’ont pas été très vigilants lors du processus d’adoption de ce texte auquel ils ont été pourtant associés, pour détecter ce « détail » et s’y opposer : « le diable est dans les détails ».
En toute hypothèse, une révision concertée de ce code urge. D’ici là, la libération des confrères doit être une quête permanente, sans mésestimer la réparation du préjudice qu’aurait subie le plaignant qui peut être faite par d’autres voies que la prison.