Le Togo a abrité du 06 au 09 décembre 2022 dernier, à l’Hôtel 2 Févier à Lomé, la 38ème réunion annuelle du Réseau de Prévention des Crises Alimentaires au Sahel et en Afrique de l’ouest. Cette rencontre s’est voulue un cadre de réflexion globale d’identification des options politiques permettant d’atténuer les effets combinés des crises agropastorale et sécuritaire sur la résilience alimentaire et nutritionnelle des populations.
Ayant réuni les principales parties prenantes de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la région Ouest africaine, les travaux du troisième jour de cette rencontre a été consacré à une discussion portant sur le renforcement les systèmes alimentaires de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC) sous le leadership du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF).
Le cadre de discussion a été une occasion pour les parties prenantes et acteurs du monde agricole de mener des réflexions afin de repenser de nouvelles stratégies et approches pour construire des systèmes alimentaires sains, durables, innovants, transformateurs et équitables, capables de nourrir la population croissante de l’Afrique de l’Ouest, dans un environnement caractérisé par les changements climatiques et où l’on assiste à une convergence sans précédent de multiples perturbateurs.
Anticiper pour faire face aux crises
Au cours des échanges, les intervenants ont relevé l’impératif besoin de mettre en place des stratégies pouvant permettre aux pays de l’Afrique de l’ouest et du sahel à faire face aux crises alimentaires. Et pour ces acteurs (partenaires financiers, institutions régionales, chercheurs, et gouvernants), il faut développer une capacité d’anticipation.
« Une des leçons que nous avons tirées des échanges c’est que nous anticipons peu. Nous sommes toujours en train de gérer des urgences. Nous voulons dans un nouveau système travailler davantage sur l’anticipation des phénomènes pour se préparer en conséquence afin de ne pas toujours être là à faire le sapeur-pompier. Aujourd’hui dans le cadre de renforcement des systèmes agricoles et alimentaires, il faudrait plus d’actions d’alerte, de suivi, de surveillance et même de contrôle », a indiqué Professeur Nieyidouba LAMIEN du CORAF.
De fait, pour cette Association internationale à but non lucratif regroupant les systèmes nationaux de recherche agricole de 23 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, « dorénavant, la question n’est plus de savoir si l’Afrique de l’Ouest et certaines parties de l’Afrique centrale seront confrontées à une nouvelle crise alimentaire dans les années à venir mais il s’agit plutôt de se demander à quelle vitesse les acteurs du secteur de l’alimentation agissent pour atténuer les impacts de la crise, ou mieux encore, se préparent à éviter de telles crises, dans une région déjà en proie aux graves effets du climat, de l’insécurité et de la pandémie de Covid-19, d’où la nécessité d’assurer de meilleures prévisions, anticipation et plans d’intervention d’urgence ».
Dans l’approche d’anticipation, il faudrait aussi opter, pensent les acteurs, pour une économie de proximité afin d’assurer la disponibilité et l’accès aux produits alimentaires au sein des communautés comme à l’échelle nationale des pays. Il faudrait à l’avenir en ce sens investir dans la production destinée à satisfaire les besoins alimentaires plutôt que d’opter pour l’importation.
« Covid-19 nous a beaucoup enseigné. Après toutes les crises que nous avions connu dans la région, Covid-19 est venu nous montrer qu’il faut compter avant tout sur ses propres forces. Dans nos économies qui sont très fondées sur les exportations, nous avons beaucoup d’argent pour importer et nous n’en n’avions pas assez pour produire à l’intérieur. Avec cette expérience de la pandémie, il nous importe très fortement au niveau de nos pays pour nous réapproprier des schémas d’économie, de proximité comme nous les appelons. Il faut penser nos systèmes de telle sorte qu’au niveau de nos communauté nous ayons assez de provisions pour le futur et en améliorant notre contexte aujourd’hui », a indiqué Dr Abdou Tenkouano, Directeur exécutif du CORAF.
Le challenge de l’innovation
L’innovation en matière de technologies et de partenariats devrait constituer l’un des leviers d’actions des parties prenantes de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la région Ouest africaine.
« L’innovation est la clé, je dirai le moteur de tout changement. Nous sommes dans une période où tout change tous les jours et il est absolument aussi important que nous aussi nous changions, nous innovions pour pouvoir contrer ces changements », estime Abdou Tenkouano, le patron du CORAF.
Pour ce dernier, cette innovation ne devrait pas être seulement technologique mais doit aussi apparaitre dans les partenariats et le transfert des innovations aux utilisateurs.
« Le plus important ce n’est pas seulement les technologies qui sont développées. C’est plutôt d’innover dans la façon de travailler ensemble en sorte que les communautés s’approprient ce qui est produit par la recherche. C’est dire que l’innovation dont nous avons aujourd’hui n’est pas tellement dans la technologie, parce qu’il en existe beaucoup mais nous avons besoin de l’innovation dans les dispositifs de transfert de technologie que nous devons innover », soutient le numéro un du CORAF.
De plus, les acteurs autours de la table ronde ont évoqué l’importance aujourd’hui d’associer l’information climatique à toutes les innovations technologiques destinées à développer l’agriculture.
« Le simple fait de générer des technologies ne suffit plus pour un producteur de pouvoir avoir sa bonne production. Il faut qu’il associe l’information climatique pour faire le bon choix de la technologie appliquée pour la saison à venir », a fait noté Professeur Nieyidouba Lamien.