À Lomé, un colloque international interroge la portée politique et sociale des langages silencieux

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À l’Université de Lomé, les mots cèdent momentanément la place aux silences, gestes et postures. Du 2 au 4 juillet, l’institution universitaire togolaise accueille un colloque scientifique consacré aux langages silencieux et à leurs implications sociales, culturelles et politiques sur le continent africain. Officiellement ouvert le mercredi 2 juillet par le ministre togolais de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Kanka-Malik Natchaba, l’événement entend repositionner ces formes de communication non verbale comme des objets légitimes de savoir, de transmission et de pouvoir.

Intitulée « Langages silencieux : contextes, enjeux et dynamiques communicationnelles en Afrique », la rencontre rassemble plusieurs participants venus de quatorze pays d’Afrique, d’Europe et d’Asie. Chercheurs en sciences humaines, spécialistes de la communication, artistes et enseignants s’y côtoient pour explorer les formes multiples du non-dit : gestes codifiés, postures symboliques, silences intentionnels ou hérités, usages rituels du mutisme dans les institutions traditionnelles. Autant de manifestations souvent reléguées à la marge des études sur le langage, et pourtant centrales dans de nombreuses cultures africaines.

Le colloque est organisé à l’initiative de l’Université de Lomé, en partenariat avec le Centre d’études et de recherches sur les organisations, la communication et l’éducation (CEROCE), ainsi que l’Équipe de recherche sur les études anglophones (E2A). Il vise, selon ses promoteurs, à ouvrir un espace critique et scientifique autour d’une question peu abordée dans les cercles académiques : comment les formes silencieuses de communication structurent-elles les rapports sociaux, éducatifs et politiques en Afrique contemporaine ?

Dans son allocution d’ouverture, le ministre Natchaba a souligné la nécessité d’interroger la place du silence dans un monde saturé de paroles et d’images. « Le silence reste un outil de transformation sociale, un espace de leadership réfléchi. En choisissant de mettre en lumière ces langages non verbaux, ce colloque nous invite à une réflexion profonde sur la force de nos paroles mais aussi de nos silences, en ces temps où la parole est devenue bruit et tambours », a-t-il déclaré devant un parterre de participants.

Pour Dr Palakyém Mouzou, président du comité d’organisation, l’enjeu est double : reconnaître la pertinence scientifique des langages silencieux et réhabiliter leur fonction structurante dans les sociétés africaines. « Le colloque offre à l’Afrique l’opportunité d’engager une réflexion profonde sur l’ensemble des langages silencieux qui fondent son existence et structurent la communication entre les peuples. Il mobilise les enseignants-chercheurs afin de cerner les enjeux, d’interpréter les implications et d’anticiper les perspectives futures en la matière », a-t-il indiqué, insistant sur le caractère purement académique de cette première édition.

Parmi les thématiques abordées lors des ateliers et tables rondes figurent le rôle du numérique dans l’évolution des pratiques gestuelles, les silences comme mode de résistance ou d’affirmation en politique, et la signification des postures dans l’espace éducatif. Le traitement de ces questions entend croiser les approches disciplinaires (anthropologiques, linguistiques, communicationnelles) pour nourrir un débat transcontinental sur l’évolution des formes d’expression africaine dans un contexte de mondialisation croissante.

Au-delà des échanges académiques, la rencontre ambitionne de repositionner le Togo comme un centre de réflexion sur les dynamiques culturelles africaines. En réhabilitant le rôle des silences dans la transmission du savoir, la gestion du pouvoir ou encore la médiation sociale, le colloque de Lomé revendique une lecture plurielle de la communication, moins centrée sur la parole que sur ses absences signifiantes.