Progressivement, de nombreuses initiatives se prennent au niveau national pour atteindre l’objectif Assurance maladie universelle (AMU) au Togo. Focus Infos partage avec vous dans ce dossier les différentes actions menées en ce sens, l’importance de la protection sociale, et les perspectives.
La politique de protection sociale est une priorité du gouvernement, déclinée en plusieurs projets. Objectif : ne laisser personne pour compte.
De fait, depuis 2006, à la suite du dialogue social tripartite consacré par un protocole d’accord, le Togo a fourni beaucoup d’efforts en matière d’extension de la protection sociale aussi bien dans le renforcement des cadres juridique et institutionnel que dans l’opérationnalisation des mécanismes contributifs et non contributifs. En matière de couverture maladie universelle, le Gouvernement a mis en place une multitude de programmes de gratuité ou de subvention.
On peut citer, entre autres, des programmes de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme, la tuberculose, les maladies tropicales négligées pour lesquelles le pays a reçu le 22 août 2022 le prix du premier pays au monde à avoir éliminé quatre maladies tropicales négligées (MTN) lors de la 72ème session du Comité régional de l’OMS pour l’Afrique, la subvention des hôpitaux publics pour la prise en charge des personnes indigentes, le programme élargi de vaccination, la subvention de la césarienne, les programmes présidentiels de protection sociale en milieu scolaire « School Assur» et celui d’accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né « Woezou ».
Initiative présidentielle lancée en octobre 2017, School Assur, un programme de protection sociale, a permis d’enregistrer, entre 2017 et 2022, 1 244 240 consultations et 17.217 hospitalisations d’élèves souffrant de diverses pathologies alors que les prises en charge chirurgicales enregistrées sont estimées à 55.168. Sur la même période, 360.947 analyses ont été effectuées et 1.666.145 prestations pharmaceutiques enregistrées.
Adopté le 25 août 2021 en conseil des ministres, le programme Woezou est issu du décret portant création d’un Programme national d’accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né. Il est conçu dans le but de « réduire les taux de mortalité maternelle et néonatale, conformément au renforcement de l’inclusion sociale et à la modernisation de l’Etat telles que prévues dans la feuille de route gouvernementale ». L’initiative intègre de façon progressive, l’ensemble des prestations de prise en charge de la femme enceinte depuis la confirmation de la grossesse jusqu’au 42ème jour après l’accouchement.
En décembre 2022, près de 290 000 femmes, en tout, ont été enrôlées, a indiqué mercredi 11 janvier 2023 en Conseil des ministres, le ministre délégué chargé de l’accès universel aux soins, Mamessilé Aklah Agba-Assih. Selon le rapport, 1.316.113 prestations ont été effectuées sur la période d’août 2021 à décembre 2022, dont 281.796 consultations prénatales et 148.275 accouchements.
Le coût global de ces interventions s’élève à environ 2,1 milliards FCFA, sur les 3 milliards FCFA initialement alloués au mécanisme. Elle succède, en effet, à la Campagne pour l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle en Afrique (CARMMA) lancée en 2010 pour subventionner le coût de la césarienne. Avant 2010 et le lancement de la CARMMA, le coût de la césarienne était de 85 à 110 000 francs CFA. Depuis le 02 mai 2011, il est à 10 000 francs dans les formations sanitaires publiques.
En novembre 2020, l’Etat a mis en place un programme de gratuité de la prise en charge de la femme enceinte. Avec un coût de 7 milliards de francs pour 2021, il couvre la planification familiale, la consultation prénatale, l’accouchement et la césarienne. L’initiative consolide la CARMMA qui subventionne à plus de 90% la césarienne au départ puis à 100% par la suite.
En plus de ces programmes non contributifs, le régime obligatoire d’assurance maladie des agents publics et assimilés, géré par l’Institut National d’Assurances Maladie, a été mis en place en 2011 comme un premier palier vers l’assurance maladie universelle. En dix ans, des progrès ont été réalisés avec la mise en place de cette institution. De 2013 à 2020, le nombre de consultations a progressé de 213% pour atteindre 3 417 821. Le nombre de médicaments a été rehaussé de 292% pour ressortir à 26 138 536 et les actes biologiques de 303% pour s’évaluer à 5 784 650.
Quant au nombre d’hospitalisations, il a crû de 450% pour couvrir 279 640 personnes tandis que celui des lunettes a évolué de 423% pour ressortir à 50 746. Des conventions ont été également signées avec des centres de soins publics et privés, des laboratoires d’analyse, des centres d’imagerie médicale ou encore des pharmacies, en vue de satisfaire les attentes des assurés.
Un progrès est aussi observé au niveau des outils de prise en charge qui ont subi des modifications. L’Institution a reçu une distinction de l’Association Internationale de la Sécurité Sociale (AISS).
Dans l’optique de s’étendre à d’autres couches de la population non couvertes, l’Institut national d’assurance-maladie du Togo a annoncé récemment le lancement prochain d’un nouveau mécanisme, l’assurance-tontine. Il cible des couches de la population qui ne sont pas forcément couvertes par les mécanismes d’assurances classiques, dans le secteur informel, notamment les artisans, commerçants et revendeuses…
Un mécanisme qui allie le digital à une forme d’épargne traditionnellement pratiquée et s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’assurance-maladie universelle au Togo. Faut-il le souligner, l’INAM a, depuis juillet 2022, vu ses attributions étendues par le gouvernement togolais. Il est devenu l’organe de mise en œuvre du projet d’Assurance Maladie Universelle (AMU) sur le territoire.
Notons également qu’à travers le projet Fonds national de la finance inclusive, tous les bénéficiaires jouissent d’une certaine protection en termes d’assurance santé pendant toute la durée de leur crédit. Il est question aujourd’hui, estime la ministre en charge de l’accès universel aux soins, « de mettre tout cela en cohérence, d’assurer une meilleure durabilité de tous ces programmes à travers l’assurance maladie universelle maintenant que la loi est votée et que le cadre législatif est en place. »
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route gouvernementale 2020-2025, le cadre législatif a également été renforcé par la réforme du nouveau code du travail, notamment la loi n°2021-012 du 18 juin 2021 portant code du travail, obligeant les employeurs à souscrire au profit de leurs travailleurs un contrat d’assurance couvrant les risques liés à la maladie et aux accidents non professionnels ; la loi n°2021-022 du 18 octobre 2021 instituant l’assurance maladie universelle en lien avec le projet P3 « Mise en place de la Couverture maladie Universelle ».
Elle comporte deux régimes : un régime d’assurance maladie obligatoire de base et un régime d’assistance médicale. « Le processus de mise en place progressive des ces régimes est en cours », rassure le ministre délégué chargé de l’accès universel aux soins, Mamessilé Aklah Agba-Assih.
La protection sociale, informe la ministre, a fait l’objet des discussions lors du récent séminaire gouvernemental tenu du 24 au 26 mars 2023 dans la ville de Kpalimé. « La protection sociale en santé traduite à travers la couverture maladie universelle a été l’un des points forts. Une des priorités retenues sur laquelle nous devons absolument accélérer selon le maître mot du Chef de l’Etat, c’est la mise en place d’un financement durable pour la couverture maladie universelle», a-t-elle partagé.
Des réflexions pour un financement durable
Le ministère de la santé, de l’hygiène publique et de l’accès universel aux soins, avec le soutien de l’Organisation internationale du travail (OIT), a organisé les 29 et 30 mars 2023, une rencontre d’échanges sur les interventions du « projet des options pour un financement durable de la protection sociale, y compris le système de couverture maladie universelle ».
L’atelier a regroupé, entre autres, les organisations syndicales des travailleurs et celles des employeurs. L’objectif, selon le directeur pays de l’OIT, Frederic Lapeyre, fut de présenter le projet aux participants et recueillir leur avis dans le sens d’une amélioration. Le financement durable reste l’un des défis. « Il faut un engagement politique fort et le gouvernement du Togo l’a déjà montré à travers l’adoption de l’assurance maladie universelle. Après, il faut pouvoir mettre en place des mécanismes qui vont permettre le financement de cette assurance maladie. C’est ce que l’on va chercher à faire à travers ces deux jours d’atelier ici à Lomé», a affirmé Frederic Lapeyre.
Protection sociale : un droit fondamental
La protection sociale est reconnue comme un droit fondamental de l’être humain par plusieurs instruments internationaux et régionaux et elle constitue une cible prioritaire des Objectifs de développement durable (ODD) à travers notamment la cible 1.3 de l’ODD 1 relatif à la « mise en place de systèmes appropriés de protection sociale à l’échelle nationale et des mesures pour tous, y compris des socles, pour atteindre une couverture importante des pauvres et des vulnérables ». Elle contribue, selon le représentant pays de l’OIT, Frederic Lapeyre, fortement à réduire la pauvreté, l’exclusion et les inégalités tout en renforçant la stabilité politique et la cohésion sociale.
« C’est un outil puissant pour prévenir et se relever des crises économiques, les catastrophes naturelles et les conflits. Elle contribue également à la croissance économique en soutenant le revenu des ménages et la consommation intérieure. En outre, elle renforce le capital humain et la productivité. Elle est donc essentielle pour une croissance inclusive et un développement durable », a-t-il souligné.
Pour le ministre délégué, chargé de l’accès universel aux soins, Mamessilé Aklah Agba-Assih, « qui dit couverture maladie fait appel à un principe de solidarité entre tous les citoyens togolais pour permettre aussi bien à ceux qui sont en mesure de contribuer qu’aux personnes vulnérables de pouvoir se soigner sans que le problème financier ne soit un frein ».
Malgré l’importance accordée à la protection sociale aussi bien au niveau international, régional que national, le droit à la protection sociale est loin d’être effectif partout.
Selon le rapport 2020 de l’OIT sur la protection sociale dans le monde, seulement 46,9% de la population mondiale bénéficie d’au moins une prestation de protection sociale, avec une situation beaucoup plus préoccupante dans les pays en développement notamment en Afrique où seulement 17,4% de la population est couverte par au moins une prestation de protection sociale. Certains groupes sont particulièrement exposés au risque d’être exclus de la couverture sociale, notamment les travailleurs de l’économie informelle et ceux ayant un emploi atypique, les travailleurs vulnérables des zones rurales et urbaines, les travailleurs domestiques et les travailleurs migrants.
Toutefois, l’environnement international a été marqué par un développement récent en faveur de l’extension de la protection sociale.
Il s’agit de l’initiative lancée par le Secrétaire Général des Nations Unies en 2021, sur l’Accélérateur Mondial pour les Emplois et la protection sociale dont l’objectif est notamment d’étendre rapidement la couverture sociale à près de quatre milliards d’individus non encore protégés dans le monde.
Par ailleurs, la Déclaration d’Abidjan pour le centenaire de l’OIT prise lors de la 14ème Réunion régionale africaine en décembre 2019, a fait de l’extension progressive de la protection sociale, une des grandes priorités de l’Organisation pour les prochaines années. S’inscrivant dans cette déclaration, le Bureau Régional de l’OIT a élaboré en 2021, une stratégie régionale de protection sociale en Afrique dont l’objectif est d’appuyer les Etats pour accélérer l’extension de la couverture.