L’homosexualité, le choix de « la discorde sociale »

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Des lesbiennes s'embrassant

Réalité présente ici malgré les pesanteurs socioculturelles, l’homosexualité reste encore un sujet tabou en général dans les communautés et ménages togolais. Que pense la société de cette orientation sexuelle? Elément de réponses.

L’homosexualité, caractérisée par une attirance sexuelle ou par des sentiments amoureux envers une personne du même sexe, fait partie de la sexualité humaine et gagne du terrain à travers le monde notamment dans plusieurs pays occidentaux où elle est légalisée.
Au Togo, précisément à Lomé, la pratique qui heurte de l’avis de plusieurs personnes, des mœurs sociales têtues, est plutôt « tendance » auprès d’une frange de la jeunesse. C’est le cas de A.D qui développe des sentiments vis-à-vis de Y.S, toutes deux jeunes filles (lesbianisme). La première esthéticienne et la deuxième mannequin, les deux amoureuses, la trentaine, entretiennent cette relation depuis plus de 3 ans.

Pour jouir pleinement de leur relation, ces lesbiennes mènent la vie comme dans des « relations normales ». « Elle vient chez moi, moi chez elle. On sort ensemble et nous passons beaucoup de temps ensemble. Je lui fais des cadeaux, et l’assiste financièrement au besoin », relate A.D. Cette relation qui dure depuis trois ans, est pourtant secrète. « Les voisins nous voient mais ne soupçonnent pas la nature de nos relations. Ils croient juste en une amitié inséparable », soutient A.D qui relativise que quelques curieux les imaginent lesbiennes mais sans preuves concrètes.

Pour ne pas éveiller davantage de soupçons, ces deux amoureuses se retirent par moment, loin de leur domicile, pour satisfaire leur plaisir sexuel. « Des foi, nous nous retrouvons dans des hôtels pour être à l’abri de tous les regards indiscrets ». Pour le plaisir, elles procèdent par la caresse et d’autres attouchements qu’elles préfèrent ne pas dévoiler. S’agissant des gays (homosexualité masculine), ils procèdent par pénétration anale à l’aide du lubrifiant. « Pour le plaisir sexuel, mon partenaire et moi optons pour la pénétration anale. Avec du lubrifiant, cette pénétration est moins compliquée et douloureuse », souligne J.A.

Un choix motivé et risqué

Plusieurs raisons motivent l’attirance entre personnes de sexe identique chez les jeunes de nos jours. Les HSH qui ont témoigné dans le cadre de ce dossier, soutiennent leur choix pour l’homosexualité par trois raisons. Pour A.D, c’est pour se libérer des multiples déceptions connues dans les relations amoureuses avec des hommes. «J’ai connu 5 relations amoureuses au total. Mais je ne suis jamais tombée sur de bonnes personnes. Toujours avec des hommes infidèles, j’ai eu trop mal. Depuis que je suis en relation avec Y.S, je me sens à l’aise et à l’abri des déceptions, surtout des disputes inutiles », se justifie-t-elle.

Pour J.A, la pratique de l’homosexualité lui garantit une source de revenu économique. «Mon partenaire est le fils d’un riche homme d’affaire du pays. Si j’ai accepté d’être son partenaire, c’est justement parce qu’il m’a proposé de l’argent la première fois qu’il m’a fait la proposition. Mais avec le temps, j’y ai pris du plaisir et je me permets désormais de faire la cour à d’autres gars » témoigne-t-il.

Si la déception et la recherche d’une issue économique ont poussé A.D et J.A à devenir respectivement lesbienne et gay, c’est la curiosité qui a poussé H.T vers cette pratique. « Depuis mon bas âge, je suivais des films pornographiques avec mes amies et on voyait des femmes avoir des rapports entre elles. Un jour devant l’ordinateur, nous avons décidé d’essayer aussi. C’était intéressant et j’ai continué jusqu’aujourd’hui. 2 ans déjà ».
Mais certains ignorent les raisons de leur choix pour le moins peu conventionnel. « Je ne sais pas ce qui m’a poussée », a répondu une lesbienne membre du de l’association Lesbian, gay, bisexuals and transexuals (LGBT).

Cette pratique n’est pas sans conséquence sur la santé des pratiquants. Ils sont plus exposés aux maladies sexuellement transmissibles (MST), notamment le VIH/SIDA. En effet, la pénétration anale très fréquente chez les HSH occasionne la contamination du VIH SIDA. « La plupart d’entre eux que nous recevons déclarent opter pour la pénétration sans protection à l’aide du préservatif. Ils croient que la voie anale est exempte de transmission », explique Dr Julien Tossou.

Une pratique condamnée par la société

L’homosexualité est unanimement rejetée dans la société togolaise. Elle est perçue comme une pratique contre nature. « C’est dégoûtant », lance Justine, étudiante, la vingtaine, qui confie avoir du mal à comprendre un tel choix. « Comment un femme peut avoir de l’attirance pour une femme ? Je ne doute pas que celles qui font ça n’ont jamais eu de rapport avec un homme ».

Ces homosexuels font l’objet de toute sorte de menaces. «C’est n’importe quoi, cette histoire d’homosexualité. Si ma fille ou mon garçon m’annonce qu’il ou elle est gay ou lesbienne, je le tue », lance dame Ablavi qui pense que cette orientation sexuelle serait la résultante d’un trouble mental. Aussi, ceux qui pratiquent l’homosexualité sont considérés comme des « persona non grata » dans la société togolaise. « L’homosexualité est une pratique occidentale. Alors si quelqu’un veut la pratiquer, qu’il aille rejoindre les Blancs en Occident », relève pour sa part Nicolas qui estime également que ceux-ci ont besoin d’être exorcisés car ils seraient animés d’esprits maléfiques.

Acte diabolique selon les religieux

Rejetée par la société, l’homosexualité est perçue par les religieux comme un acte satanique. Chrétiens, musulmans et animistes, tous condamnent cette pratique qui viole les principes prédéfinis par le créateur.
« Les saintes écritures condamnent l’homosexualité », soutient le pasteur Lazare TCHANGHAI qui tire cette conclusion du livre de Genèse au chapitre 19 où Sodome et Gomorrhe ont subi le châtiment de Dieu à cause de cette pratique. Celui-ci s’appuie également sur le passage biblique Romains chapitre 1 du 24ème au 27ème verset qui dit : « C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs; en sorte qu’ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps;eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen! C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes: car leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature; et de même les hommes, abandonnant l’usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. »

Se basant sur ces deux passages bibliques, l’homme de Dieu dit qu’en aucun cas, cette pratique ne peut être acceptée dans l’église. Il reste convaincu qu’aucune congrégation chrétienne croyant en « Dieu créateur des cieux et de la terre n’acceptera cette pratique ».
Chez les fidèles d’Allah, l’homosexualité est impardonnable. « C’est un acte du diable et une grande honte pour toute société », martèle l’imam adjoint de la mosquée de Tokoin solidarité, Mamam Moustafa qui renchérit en ces termes : « depuis des lustres, cette relation entre personnes de même sexe est condamnée par le Tout Puissant lui-même. Car on se souvient qu’Allah avait envoyé les anges pour renverser la ville dans laquelle l’homosexualité était pratiquée». Celui-ci rappelle d’ailleurs que le plus grand péché en Islam est l’homosexualité.

Selon ce leader islamique, dans le Coran, il est écrit que « le prophète Salomon qui a le pouvoir de gérer les djinns a eu l’occasion de rencontrer le diable sur le triangle de Bermudes. Au cours de cette rencontre, le diable a eu à avouer au prophète que le péché qui lui fait le plus plaisir, c’est une relation sexuelle entre un homme et un autre homme ». C’est ce qui fait que, souligne-t-il, « nous constatons que la plupart de ceux qui pratiquent ce genre de relation finissent leur vie très mal. Car il n’est pas évident de sentir la douceur au niveau d’où sortent tous les déchets de l’organisme ».

Et le chef canton d’Agoè-Nyivé, Togbui Kodjo Hélou A.E. Sedzro IV de renchérir : « si Dieu lui-même a précisé que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à une femme, c’est une manière très claire de nous faire comprendre que les relations entre personnes de même sexe sont impossibles ». « Et en tant que garant des Us et coutume, cette pratique est totalement condamnée dans ma société et par mes aïeux », ajoute le chef canton.