L’IATA interpelle les États africains sur l’urgence de réformer leur politique aérienne

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Alors que l’Afrique ambitionne de tirer pleinement profit de son potentiel économique, l’Association du transport aérien international (IATA) appelle les gouvernements du continent à faire de l’aviation un levier central de développement. Lors d’une conférence animée ce mercredi 30 juillet 2025 par visioconférence, Somas Appavou, Directeur régional, Affaires extérieures pour l’Afrique, a exposé une feuille de route articulée autour de trois priorités majeures : sécurité, fiscalité et rapatriement des revenus.

En contribuant à hauteur de 75 milliards de dollars au PIB du continent et en soutenant plus de 8 millions d’emplois, l’aviation joue un rôle stratégique dans les économies africaines. Avec une croissance attendue de 4,1 % par an sur les vingt prochaines années et un doublement du trafic prévu d’ici 2044, le secteur représente un vecteur incontournable de mobilité, de commerce et de tourisme.

Pourtant, cette dynamique est mise à mal par des défis structurels persistants. « L’aviation n’est pas un luxe. Elle est une bouée de sauvetage économique et sociale », souligne Somas Appavou, directeur régional des affaires extérieures de l’IATA pour l’Afrique. L’organisation plaide ainsi pour un engagement plus ferme des États en faveur de la sécurité opérationnelle, de l’allègement des charges fiscales et du respect des engagements internationaux.

Compenser le retard sécuritaire

Malgré des progrès constatés ces dernières années, l’Afrique reste en retrait par rapport aux normes mondiales de sécurité. Sur les 48 États subsahariens, seuls 46 affichent un taux moyen de mise en œuvre des normes de l’OACI (SARPS) de 59,49 %, loin de la moyenne mondiale de 69,16 %, et bien en dessous de la cible de 75 %. En 2024, les sorties de piste ont représenté la majorité des 10 accidents recensés, un signal d’alerte que l’IATA estime inacceptable.

L’organisation appelle les États à renforcer leur conformité avec l’annexe 13 de l’OACI, qui impose la publication de rapports d’accident dans des délais raisonnables. Entre 2018 et 2023, seuls 8 rapports ont été publiés sur 42 accidents survenus en Afrique. Elle encourage par ailleurs une adoption plus large des audits IOSA et ISSA, considérés comme des instruments clés pour une surveillance uniforme et basée sur les risques.

Fiscalité : un frein à la compétitivité

Les taxes et redevances imposées au transport aérien sur le continent sont, en moyenne, 15 % plus élevées que la moyenne mondiale. Cette fiscalité étouffante réduit la compétitivité des compagnies et limite l’accès des populations aux services aériens. Pour l’IATA, il est urgent que les gouvernements cessent de considérer le secteur comme une simple source de recettes fiscales.

Au contraire, les infrastructures aériennes doivent être conçues comme des catalyseurs de croissance, en cohérence avec les besoins du marché. L’organisation recommande une meilleure coordination entre les gouvernements et l’industrie pour construire des équipements rentables, flexibles et capables d’absorber la croissance attendue. En ce sens, elle salue la démarche entamée récemment par les Etats de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) visant la réduction des taxes sur les billets d’avion à compter du 1er janvier 2026.

Des milliards bloqués, une connectivité menacée

La question des revenus bloqués demeure l’un des principaux points de crispation entre les compagnies aériennes et certains États africains. En mai 2025, près de 1 milliard de dollars générés par les compagnies étaient retenus sur le continent, soit 73 % des montants bloqués au niveau mondial. Cette situation compromet directement la viabilité des opérations.

Lorsque les fonds ne peuvent être rapatriés, les compagnies réagissent en réduisant la fréquence des vols, voire en supprimant certaines lignes. Pour l’IATA, il est impératif que les États africains respectent les traités internationaux qui garantissent la libre circulation des capitaux dans le secteur aérien.

Focus Africa, pour un nouveau départ

Lancée en 2023, l’initiative Focus Africa de l’IATA entend fédérer les efforts des gouvernements, des partenaires techniques et de l’industrie autour d’une vision commune : celle d’un ciel africain sûr, accessible et connecté. Loin d’un simple plaidoyer, il s’agit d’une stratégie offensive pour transformer l’aviation en moteur de prospérité.