Coton : le pari de la privatisation

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  • Etat des lieux de la filière
  • Les raisons de la privatisation

Après des années sinistrées, la filière cotonnière togolaise connaît de nouveau un rebond avec des perspectives de production de 200.000 tonnes à l’horizon 2022, même si la campagne 2019 a été moins performante que ses devancières. C’est dans ce contexte que le gouvernement a fait le choix de la privatisation de la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT), chargée de l’organisation de la filière, en cédant 51 des 60% que détient l’Etat togolais dans son capital. Il y a été autorisé le 29 juin dernier par l’Assemblée nationale, permettant désormais les discussions entre notre pays et le groupe OLAM INTERNATIONAL , le partenaire stratégique retenu pour l’opération. Comment se porte la filière cotonnière ? Quelles sont les raisons de la privatisation ? Qui est OLAM INTERNATIONAL ? Qu’en pensent les producteurs du coton ? Dossier Focus Infos.

L’histoire du coton : la SOTOCO à la NSCT

La culture du coton au Togo remonte à plus de deux (2) siècles, quoique sa première exportation ne fût enregistrée qu’en 1902. Après son indépendance, le pays va maintenir la production de l’or blanc. Il sera créé par décret présidentiel le 27 mars 1974, la Société togolaise de coton (SOTOCO), avec pour mission d’organiser la filière qui faisait vivre des milliers de Togolais.
Avec la mise en place de la SOTOCO, le pays va accroître rapidement sa production passant de 10 736 t de coton fibre en 1974 à 187 703 t en 1998-1999. A partir de l’année 2000, la production va chuter avant de revenir à 173 000 tonnes en 2004-2005. Sur la même période, les superficies emblavées sur les terres gérées par la SOTOCO vont passer de 14 603 hectares en 1974 à 198 851 hectares en 2004-2005, soit une progression par de plus de 100%.

La filière va enchainer de mauvaises performances à partir des années 2005-2006 et 2006-2007 où la production sera respectivement de 22.000 et 24.000 tonnes. La SOTOCO traversera une période sombre avec le désengagement des producteurs pour non-paiement de leur créance. La mauvaise gestion et la chute continuelle de la production vont plonger la filière dans une « profonde crise ».
Face à cette situation, l’Etat après audit, va dissoudre par décret pris le 23 janvier 2009, la SOTOCO et créer la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) avec pour objectif la relance de la filière cotonnière.
A la différence de la SOTOCO qui était une société d’Etat, la NSCT est une société d’économie mixte dans laquelle l’État togolais est détenteur de 60 % des parts, face à des organisations de producteurs de coton qui se réservent 40 %. Le capital social de la nouvelle société est fixé à 2 milliards de FCFA.

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La création de la NSCT va redynamiser la filière du coton. Après 27.000 tonnes de coton graine récoltés à l’issue de la première de l’ère NSCT, la production va atteindre 46.844 tonnes au cours de la campagne 2010-2011. Elle va croître pour atteindre 114.000 tonnes au terme de la campagne 2014-2015. Pour une superficie de 129.000 hectares emblavés durant la campagne 2016-2017, la production va passer cette fois-ci à 105 000 tonnes. La campagne 2017-2018 va être plus prolifique avec 117.000 tonnes de coton graine récoltées, soit une progression de 8% pour environ 168.000 hectares emblavés. Celle de 2018-2019 va enregistrer une augmentation de la production de 17% par rapport à l’année précédente avec 137.255 tonnes de coton-graine pour un rendement de 764 kg/hectare.

Ainsi sur dix années, soit de 2009 à 2019, la production de coton-graine au Togo va être multipliée par 5, passant de 27 000 t à 137000 t, soit une augmentation de près de 110 000 t. La campagne 2019-2020 a été clôturée sur une baisse de rendement. Selon les statistiques, 116 000 t de coton graine ont été récoltées, actant une baisse de 21 000 t par rapport à la campagne précédente.

Les raisons d’une privatisation

Le 29 juin dernier devant l’assemblée nationale, le ministre de l’Economie et des Finances, Sani Yaya, venu solliciter au nom du gouvernement un « instrument juridique déterminant pour développer le secteur agricole » a justifié la privatisation par le souci du gouvernement de trouver un partenaire stratégique de renom, disposant de l’expertise nécessaire, susceptible de contribuer, dans le domaine de l’agro-industrie, à l’atteinte des objectifs de l’axe 2 du Plan National de Développement(PND2018- 2022), notamment en ce qui concerne le secteur cotonnier.

« Comme vous le savez, la mise en œuvre de l’axe2 du PND,exige d’une part, le développement de pôles de transformation agricole selon l’approche chaînes de valeur et d’autre part, l’augmentation de manière substantielle des revenus des producteurs ainsi que la création massive d’emplois le long de chaînes de valeur au niveau du service, au conseil, des usines, des parcs logistiques et de transport etc » a expliqué le ministre.

Il s’agit pour l’Etat de parvenir à une augmentation des rendements, mais aussi à une modernisation de l’outil industriel afin d’améliorer la collecte du coton et les performances d’égrenage, ou encore de développer la marque « coton made in Togo » pour jouir d’un différentiel de prix par rapport à la qualité. La privatisation vise aussi l’accroissement de la contribution du secteur agricole en général et d

e la filière cotonnière en particulier, la création de la richesse nationale et des emplois massifs, selon les autorités.

« La cession de la

Evolution de la production cotonnière de 2009 à 2019

participation de l’Etat dans le capital de la NSCT ne répond ni à un souci d’amélioration de la trésorerie de l’Etat, ni à un besoin de correction d’une quelconque mauvaise performance financière de la NSCT. Elle s’inscrit plutôt dans une vision large du gouvernement de modernisation de la filière cotonnière au Togo par la création d’une chaine de valeur allant de la production jusqu’à la transformation en produits finis », soutient le gouvernement.

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Avec la privatisation, il est attendu par ailleurs une amélioration du rendement de la production qui est estimée à ce jour à 600 kg/ha pour atteindre un niveau de performance d’au moins 900 à 1 000 kg/ha sur le court terme, avec le développement de la culture attelée et de noyaux d’élevage, en association avec d’autres spéculations telles que le soja et les cultures maraîchères au profit des producteurs vulnérables.

De même, la privatisation devra induire le renforcement du parc industriel et la réhabilitation des pistes rurales cotonnières pour améliorer la collecte du coton graine et participer également au désenclavement des zones de production agricole.
Au surplus, l’Etat éprouve de plus en plus de grandes difficultés à faire face à certaines urgences et à satisfaire en temps réel, les besoins des producteurs de coton : « la culture du coton est particulière, de par son rapport au climat, l’entretien dont elle a besoin et la conservation de sa récolte. Il lui faut une importante superficie ( entre 1 et 10 hectares), une main d’œuvre abondante pour la récolte, de gros camions pour le transport, des pistes pratiques, des magasins de conservation, des usines (ceux de Dapaong, Blitta et Tsévié ont fermé faute de stocks importants de coton et de coton de qualité pour faire face au marché international). Il faut acheter annuellement des intrants pour 7 à 10 milliards FCFA ; ce que l’État n’est plus en mesure de faire, comme appuyer les cotonculteurs financièrement pour faire face aux urgences que nécessite-la culture du coton » détaillent des sources officielles.