La très controversée extraction du sable marin par EBOMAF

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Carrière d’extraction du sable

En vue de préserver le littoral  contre les risques  d’érosion  dont est victime la côte togolaise  depuis 2013, l’extraction de sable marin est prohibée  en bordure de mer. En dépit de cette mesure, l’entreprise burkinabé de BTP, EBOMAF,  extrait  du sable de la plage de Lomé  dans le cadre de la réalisation des travaux de réhabilitation  de la nationale n°5.

Sur la plage de Lomé entre l’hôtel Sarakawa et le complexe balnéaire Blue Turtle Bay, à une dizaine de mètres  des installations de Lomé Containers Terminal ( LCT), un puits d’environ 400m3 est visible, entouré de quelques panneaux de signalisation. Ce sont les séquelles de deux mois d’extraction de sable sur ces lieux.  « Il y avait une dizaine d’ouvriers déployés ici. EBOMAF avait fait venir des bulldozers qui assuraient l’extraction » confirme un pêcheur que nous avons retrouvé dans le voisinage.

Il indique que ce sont près de 10 camions d’une capacité de 15 tonnes chacun qui convoyaient le sable vers le chantier, assurant deux voyages quotidiens chacun, sous la protection de motards de la police nationale, gyrophares allumés et sirènes hurlantes.

De fait, sur la période, ce sont près de 18.000 tonnes de sables qui auraient été extraits, selon une estimation  réalisée par plusieurs ONG de défense de l’environnement. Ils ne constituent cependant qu’une partie nécessaire à  la réalisation des travaux du tronçon Lomé-Kpalimé. A  en croire le directeur exécutif de l’ONG JVE (Jeunes Volontaires pour l’Environnement), Séna Alouka, le reste est extrait  sur le littoral béninois . L’information nous a été confirmée par la Société africaine de dragage (SAD-Togo),  spécialisée dans la vente de sable aux entreprises de BTP.

Que dit la loi ?

Selon les arrêtés interministériels N 031/MME/MERF/2011 du 05 mai 2011 et N° 002/MME/MERF/2013 du 15 janvier 2013, pris par les ministères des Mines et de l’Energie, de l’Environnement et celui de la Protection civile, le prélèvement du sable et du gravier marins et assimilés sur tout le littoral du Togo est interdit. Cette disposition fait suite  au constat selon lequel « la forte pression de l’extraction du sable marin est un important facteur de provocation d’érosion côtière ».

Fort de cette disposition, des  organisations de la société civile et des entreprises dont   SAD-Togo, dénoncent une situation scandaleuse de deux poids deux mesures.  « On ne peut prétendre protéger la côte contre une menace réelle et laisser certaines sociétés violer les dispositions prises dans le cadre de la protection », dénonce le directeur exécutif  de JVE. Pour sa part, une responsable de SAD-Togo estime que sa structure devrait être consultée pour fournir du sable marin à EBOMAF. « C’est notre job, on aurait pu trouver des solutions en fournissant la quantité qu’il faut à cette entreprise », assure-t-elle.

Rien d’illégal

Même si les organisations de la société civile sont vent debout contre le passe-droit accordé à EBOMAF, l’Agence nationale de gestion de l’environnement (ANGE) quant à elle ne voit rien d’illégal à la situation. Pour les responsables de cet organisme public chargé de veiller à la protection de l’environnement et des populations face aux risques éventuels, la dérogation accordée à l’entreprise burkinabé procède d’une décision bien mûrie et motivée juridiquement.

« L’accord fait suite à une étude  d’impact  dont les résultats ont permis la prise d’un arrêté ministériel  autorisant EBOMAF à extraire du sable marin »  assure Adadji Efanam directeur général de l’ANGE. Selon lui, cette extraction ne présente pas de risques majeurs liés à l’érosion côtière. « La quantité de sable extraite par EBOMAF n’est pas considérable pour provoquer l’érosion côtière. C’est ce que révèle l’étude réalisée », justifie-t-il.

En outre, ajoute-t-il, cette mesure relève d’une nécessité nationale. «  Il est vrai que l’exploitation massive par les sociétés provoque l’érosion. La pression étant forte, la décision d’interdiction a été prise. Cependant, les travaux effectués par  EBOMAF participent à  l’aménagement du territoire. N’ayant pas d’autres alternatives, l’Etat a été contraint de l’autoriser à extraire du sable marin à titre exceptionnel », détaille monsieur Efanam.

Position que semble partager Komi Adjaho, spécialiste de gestion des risques côtiers et environnement littoral pour qui « la pratique d’extraction de sable sur la côte ne  constitue un facteur important de l’érosion côtière que si elle est réalisée sur une longue durée »