La nouvelle ministre des Sports et des Loisirs est la première femme recrutée au sein des Forces Armées Togolaises en 1996. C’est une femme au tempérament bien trempé que FOCUS INFOS avait fait découvrir à ses lecteurs en 2016 à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Voici le portrait que la rédaction avait fait de celle qui était à l’époque capitaine.
« Adolescente, j’étais très sensible à la douleur des autres et prête à braver tous les dangers pour prodiguer soins et tendresse. La vue des images des enfants malnutris d’Ethiopie diffusées à l’époque par la télévision nationale a suscité en moi le désir d’être médecin. Je me demandais s’il n’y avait personne pour aller secourir ces enfants et mon père m’a suggéré qu’avec la carrière militaire, j’avais la possibilité de porter assistance aux démunis, aux plus faibles », confiait alors Lidi BESSI-KAMA sur son choix de carrière.
Coup de destin ou heureux hasard ? En 1996, elle fait partie des premières filles à être reçues à l’Ecole des Services de Santé de l’Armée de Lomé (ESSAL). Alors qu’elle n’avait que 17 ans, elle fut admise dans cette école pour y recevoir une formation militaire et en médecine.
En compagnie de 15 jeunes gens dont 4 filles, elle passe huit ans au sein de cette école réputée pour sa rigueur et sa discipline. « C’est comme ça que je suis venue dans cette famille qui m’a appris la discipline, la confraternité, le respect de l’autre et bien d’autres valeurs », confie-t-elle. Depuis, celle qui est également « docteur» a fait de l’armée sa seconde famille. De ces huit années passées à l’ESSAL, le médecin-commandant BESSI-KAMA Lidi épouse GUMEDZOE garde de bons souvenirs et de moins bons, notamment l’initiation au parachutisme en passant par la « Formation Elémentaire Toute Arme» à Kara.
La première en tout…
Après sa formation de base, BESSI-KAMA, présente sa thèse de doctorat en 2005 sur l’asthme, devenant ainsi, la première femme officier de grade de capitaine dans l’armée togolaise. Un diplôme qui est l’accomplissement de son ambition, celle de concilier deux métiers qui lui plaisent à savoir la médecine et l’armée. Après sa soutenance, son premier poste d’affectation est le Centre médical des familles des forces armées togolaise (CMFAT).
De cette affectation, elle garde une anecdote. Elle a remarqué qu’à chaque fois que les infirmiers sortent de leurs voitures, ils sont accueillis par les soldats qui prennent leur sac, mais lorsqu’il s’agissait d’elle, aucun soldat ne venait à sa rencontre. Décidée à connaitre la raison de cette attitude, elle s’est entendu dire que pour certains militaires, prendre le sac d’une femme alors que leurs épouses viennent en consultation serait mal vu.
La réaction a été immédiate : « si vous prenez les sacs des hommes, c’est que vous devez prendre les sacs des femmes ! Il n’y a pas de honte à cela ! Je suis votre chef et ça s’arrête là », leur a-t-il lancé en substance. Et depuis ce jour-là, l’attitude de ces militaires a progressivement changé à son égard. Mais l’une des expériences les plus exaltantes de sa formation militaire reste le saut en parachute. En 1999 alors qu’elle était en 3ème année, il fallait obligatoirement faire le saut en parachute en avion à une altitude de 600 m. Une expérience aussi agréable que périlleuse pour la jeune femme.
Il fallait s’armer de courage pour montrer aux hommes que le statut de femme officier était mérité. Le jour J malgré ses angoisses, elle a n’a pas craqué, surmontant une appréhension partagée par d’autres camarades. « Si je ne réussissais pas, je ne pourrais plus m’imposer puisqu’on va dire que je suis une femmelette qui s’est désistée au moment où on cherchait les vrais hommes», relate-t-elle avec une fierté non dissimulée. « J’ai ainsi aidé les femmes en brisant ce tabou », souligne-t-elle. Cette réussite, la jeune femme la doit aussi à l’accompagnement et à l’encouragement de ses moniteurs.
Outre ce couronnement, elle a obtenu en 2007, le certificat militaire de premier degré d’anglais. L’année suivante, elle obtient à Marseille, au terme d’un stage d’application, le Brevet de médecine de mission extérieure (BMMEX 2008). Pionnière, elle a fait beaucoup d’émules qu’elle suit personnellement.
Même si elles ne parviennent pas toutes à devenir médecins militaires, elles réussissent quand même dans leurs carrières respectives parce qu’elles ont un modèle. Mais tout n’a pas été facile. A l’époque, il n’y avait pas de femmes militaires. Les pesanteurs socio-culturelles avaient la vie dure.
Les clichés concernant le rôle des femmes dans la société étaient encore poignants. Son entourage porte toujours sur elle un regard d’admiration en tant que femme militaire. Quant à ses supérieurs hiérarchiques, ils apprécient ses compétences professionnelles et l’esprit de discipline qu’elle observe en toutes circonstances, témoigne le Colonel Djibril Inoussa.
Cette dame qui porte désormais le grade de commandant nourrit l’ambition de gravir les différents échelons de l’armée et d’être encore plus utile à son pays.
Engagement dans le milieu sportif et associatif
Aux Sports, la médecin-commandant ne sera pas dépaysée. Diplômée en médecine du sport, Lidi BESSI-KAMA L est très engagée dans le domaine sportif et associatif, surtout religieux où elle apporte sa contribution à l’émancipation de la jeune fille.
Elle est cette voix féminine qui résonne au sein de plusieurs regroupements sportifs. Depuis 2006, elle est la Représentante du Togo à l’Organisation Régionale Antidopage (ORAD) zone II et III.
A ce titre, depuis le 23 Juillet 2015, elle assure la présidence de cette zone qui regroupe 10 pays. En 2009, elle est élue membre de la Commission Médicale de la Confédération Africaine de Hand Ball (C.A.H.B.). La même année, elle a reçu le trophée CIO Sport et lutte contre le dopage.
A deux reprises, ce Chevalier de l’Ordre National du Mérite a été du présidium du Forum national de la femme togolaise. Mme Epiphanie Houmey Eklu-Koevanu, la Coordinatrice du Groupe de réflexion femme démocratie et développement (GF2D) qui a eu à la côtoyer à plusieurs reprises témoigne: « C’est une femme exceptionnelle et pionnière dans son domaine. Une personne très assidue au travail. Elle est très organisée pour allier sa vie professionnelle et son engagement social au service d’autres femmes ».
Cette amazone des temps modernes et mère de deux enfants, considère qu’elle a eu la chance d’épouser un « homme en uniforme» qui fait le même métier qu’elle et qui en connait les exigences.
« La difficulté, c’est que moi je travaille triplement. En tant que leader, je dois maintenir un certain cap, je dois donner le meilleur de moi-même parce qu’il y a d’autres qui croient en moi. Je dois montrer la voie, je dois tenir, je dois réussir sur le plan professionnel », explique-t-elle.
Une résolution qui transcende largement le milieu professionnel pour embrasser la sphère privée et familiale : « je m’efforce d’être présente dans la vie de mes enfants, de leur donner l’amour et leur inculquer la rigueur indispensable à leur épanouissement».