Parce que juteuse, la filière pêche attire de plus en plus de monde et voit corrélativement s’installer des individus peu recommandables aux pratiques délictuelles.
Fin janvier 2018, M. Kossivi Zemi (nom d’emprunt), un entrepreneur togolais souhaitait investir dans la pêche.
« J’ai acheté un moteur à 5 millions FCFA en France que j’ai acheminé à Lomé pour monter une pirogue en vue de la pêche. J’ai confié celle-ci à des Ghanéens en vue de son exploitation, sur la base d’un contrat. En plus de la pirogue, je devais fournir pour chaque sortie en mer, des frais appelés « frais de mer » équivalant à environ 300.000 FCFA. Au retour des pêcheurs et une fois les poissons vendus aux mareyeuses, les produits de la vente devraient être divisés en 3 parts : une part me revenait, les 2/3 aux pêcheurs dont la moitié était officiellement affectée à l’entretien de la pirogue. Les premiers mois se passèrent bien et nos revenus pouvaient avoisiner les 5 millions par pêche. J’envisageais dès lors me procurer une deuxième pirogue. C’est alors que sans raisons manifestes, les recettes commencèrent à chuter. Parfois, le produit de la vente arrivait à peine à couvrir les frais de mer. Mes questions par rapport à ces baisses récurrentes de chiffres d’affaires n’ont jamais eu de réponse. Excédé, j’ai fini par vendre la pirogue » témoigne-t-il.
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Le cas de Kossivi Zemi n’est ni isolé ni anecdotique. Beaucoup de compatriotes qui ont essayé d’investir dans le secteur en sont revenus déçus, accusant « une mafia entretenue par les Ghanéens avec la complicité de quelques locaux où il est difficile de faire sa place».
La technique serait simple selon des témoignages recueillis. D’abord, les pêcheurs ghanéens imposeraient des frais d’entretien fixes du moteur et de la pirogue dans les contrats , qu’ils ne justifient d’ailleurs pas. Ils opposeraient un refus catégorique à toutes velléités du propriétaire de la pirogue de choisir lui-même un mécanicien togolais. Ensuite, ils organiseraient régulièrement de « fausses pertes ». Il s’agit de faire croire à une période de mauvaise pêche. « La manœuvre consiste à décharger en mer à des complices, une bonne partie des poissons pêchés et à faire croire une fois arrivés au port de pêche, que l’expédition ne fut pas fructueuse. Les propriétaires qui ne viennent pas en mer avec nous ne peuvent pas le savoir », témoigne Ayao D. pêcheur et ancien coéquipier d’un piroguier ghanéen.
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« Il y en a de très malhonnêtes. Je vais donc en mer avec eux. Mais lorsque je ne puis y aller, les comptes ne sont pas bons » confirme le secrétaire général du Syndicat national des pêcheurs du Togo (SYNAPETO) Adam Abdou-Derman.
Au surplus, ces pêcheurs indélicats parviennent parfois à quitter définitivement le port de pêche de Lomé en emportant toute l’armature de pêche. « Nous avons réglé plusieurs fois des cas de disparition de pirogues. Il nous a fallu nous rendre alors au Ghana pour rechercher les pêcheurs.
De nombreuses mareyeuses en sont victimes », révèle le syndicaliste.