Situé au cœur de la capitale togolaise, Déckon a une histoire.
L’origine de « Déckon »
Au prime abord, le nom Deckon que porte ce carrefour est emprunté à une personne.
Le titulaire de ce nom était un commissaire béninois venu s’installer à Lomé pendant la guerre. Il fut très vite populaire du fait de son activité parallèle qui était le fétichisme. Très introduit dans les pratiques vodou béninoises, il impressionna la population de Lomé qui venait de partout pour le consulter et même celle d’autres pays de l’Afrique.
Mais l’attribution de son nom au carrefour ne s’est pas faite dès son installation. « En effet au temps de nos aïeux, Lomé n’allait pas jusqu’à la plage, elle s’arrêtait juste au niveau de l’emplacement de l’actuelle BTCI. Et cet endroit s’appelait Alotimé qui veut dire dans les arbres de cure-dents. C’est en ce lieu que nos ancêtres se sont installés premièrement. Et c’était à cette époque de nos aïeux que M. Deckon était venu s’installer aussi. Mais compte tenu de l’élargissement de Lomé, provoquant l’abattage des arbres de cure-dents, nos grands-parents avaient quitté ces lieux pour se retrouver à Bè. C’est ainsi que le nom du coin Alotimé a disparu. Plus tard, quand on devait venir en ce lieu, il fallait l’indiquer par un endroit que tout le monde connaissait. Et comme M. Déckon était devenu très populaire et connu par tous surtout les agents de transports, il suffisait d’indiquer que vous alliez chez Déckon et on vous descendait au carrefour. Et au fur et à mesure que le temps passait étant toujours pratiquement le seul autochtone populaire, son nom est resté gravé dans la conscience populaire comme le nom de ce carrefour » explique Mr Koumondji.A.Koffi premier notable du roi Adjaley, chef canton d’Amoutiévé.
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Si ce nom de Déckon ne date pas d’aujourd’hui, il y a lieu toutefois de noter que le vrai nom que portait ce lieu était « Lomnava ». « Le nom de ce quartier qu’on appelle communément Déckon est Lomnava et c’est ce qui est inscrit sur les vieilles cartographies de recoupage des quartiers de Lomé», se rappelle Nyagbe Kwasi, secrétaire du roi Adjaley, chef canton d’Amoutiévé duquel relève ce quartier.
Un carrefour commercial depuis la nuit des temps
De tout temps, Deckon a été un carrefour commercial. « Depuis nos aïeux, Alotimé n’était pas seulement la place des arbres de cure-dents, mais il était aussi là où se vendaient ses arbres et racines. Et qui parle de vente parle de rassemblement et d’ambiance », confie le premier notable.
Un autochtone nommé Fo Koffi dit dans ses révélations : « si mes souvenirs sont bien clairs, il existait une gare routière là où se trouve actuellement le grand-rex au niveau des rails». « C’est dans cette gare que les Ghanéens descendaient quand ils venaient à Lomé », confirme le premier notable.
Ceux-ci à leur descente faisaient de petits marchés de vente d’articles. Et au fur et à mesure, chacun venait prendre une petite place pour installer ses marchandises pour les vendre avant de repartir. C’est ainsi que s’est développé le marché « ablodé-simé » essentiellement détenu pendant longtemps par les Ghanéennes pour la vente des condiments et légumes.
Le soir, la vente de la boisson locale (vin de palme) et de la viande de brousse déjà cuite accompagnées d’une bonne ambiance venaient clôturer l’animation commerciale.
Ce fut alors une aubaine pour les amoureux de se retrouver et pour d’autres de se laisser atteindre par la flèche de Cupidon. « C’est en ce lieu que les hommes surtout les étrangers ghanéens, béninois et burkinabais et même les blancs venaient prendre les belles filles de la ville pour leur tenir compagnie durant leurs séjours », témoigne Fo Koffi.
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Mais dans les années 80, la vente de la bière était devenue la principale activité qui se développait à ce carrefour, conjuguée au plus vieux métier, le commerce du sexe qui y trouvait un terreau ô combien fertile.
« A mon jeune âge, les bars qui étaient ici au carrefour Deckon se comptaient au bout des doigts. On avait le bar vidé-vidé, le bar Cacadjou, où la musique était jouée et où la bière à pression était servie à volonté aux clients », relate Fo Koffi.
Cette ambiance a attiré encore plus d’étranger surtout les haoussas à cette époque qui sont venus s’installer pour les affaires commerciales.