Cinq mois après sa disparition, la mémoire de feu Ignace Anani Clomégah continue d’être honorée sur le continent. Preuve de l’envergure internationale du défunt, après le florilège d’hommages qui ont suivi au Togo son décès survenu le 23 février 2023, c’est au tour de la Côte d’Ivoire, « son pays de cœur », de saluer la mémoire d’un « grand professionnel émérite ». Au cours d’une cérémonie émouvante organisée le 08 mai dernier à Abidjan, le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi, a remis, à titre posthume, une médaille de l’Ordre du mérite de la république de Côte d’Ivoire à sa famille.
C’est devant un parterre de personnalités dont la plupart l’ont côtoyé ou travaillé avec lui, que le Premier ministre ivoirien, a remis à titre posthume, au nom du Président de la République, la médaille de l’Ordre du mérite à la famille d’Ignace Kokouvi Clomégah. Pour Patrice Achi, la remise de cette distinction a été autorisée par Alassane Ouattara, pour primer la méritocratie et saluer les actions réalisées et l’engagement du défunt au bénéfice de la Côte d’Ivoire depuis presque un demi-siècle.
« Le Président de la République à qui nous avons fait part des actes qu’Ignace Clomégah a menés, ainsi que le cœur avec lequel il s’est engagé dans ce pays, a donné l’autorisation de l’honorer, de le décorer », a déclaré le chef de gouvernement ivoirien. Il lui a ainsi rendu hommage dans son allocution, soutenant qu’Ignace Clomégah a été un modèle pour de nombreuses générations. « Je lui serai éternellement reconnaissant car sans lui, je ne serai sans doute pas là où je suis aujourd’hui. Lui dire merci serait d’ailleurs insuffisant », a-t-il confié.
En effet, le défunt et le premier ministre ivoirien se sont rencontrés dans les années 1980. Recruté à sa sortie de Stanford, Patrick Achi a commencé sa carrière en 1983 comme consultant dans le bureau parisien du cabinet Arthur Andersen où sa route va croiser celle d’Ignace Clomégah. En 1988, il est affecté au bureau d’Abidjan en tant que directeur technique. Il couvrait les divisions Conseils des pays francophones d’Afrique occidentale et centrale. Les deux hommes vont ainsi travailler ensemble près de 7 ans entre ces deux régions.
Méritocratie
Créé en 1970 par l’ancien président Félix Houphouët Boigny, l’Ordre du mérite est une distinction destinée à récompenser les mérites acquis dans une fonction publique, civile, militaire ou privée. Selon son initiateur, il s’agit d’exalter la méritocratie, un système social dans lequel les individus sont choisis et promus en fonction de leur mérite, c’est-à-dire de leurs compétences, de leurs talents et de leurs réalisations.
De fait, dans une méritocratie, les opportunités et les récompenses sont attribuées en fonction des capacités et des performances des individus, plutôt que de leur origine sociale, de leur richesse ou de leur statut. Ce système vise à encourager l’excellence et à récompenser les efforts et les réalisations des individus. Pour le chef de gouvernement ivoirien, Ignace Clomégah appartient à cette lignée d’individus méritants.
Pays de cœur
L’amour que portait Ignace Clomégah à la Côte d’Ivoire où il a passé une bonne partie de sa vie professionnelle est connu. C’est son vieil ami, Jean-Baptiste Placcca qui le décrit si bien. Dans une intervention lors de la cérémonie de remise de la médaille de l’Ordre du mérite, le journaliste de RFI a ainsi soutenu qu’ « un hommage à Ignace Clomégah, en terre ivoirienne d’Abidjan, c’est sans doute une des meilleures idées, sinon la meilleure et la plus lumineuse, qui ait pu éclore depuis que s’est abattue sur nous la triste nouvelle du départ de notre ami » « Simplement parce que la Côte d’Ivoire – et je pèse mes mots – est le pays qu’Ignace Clomégah aura le plus aimé durant sa vie sur terre. Au risque d’attrister ceux qui pourraient estimer qu’il leur appartenait aussi, peut-être même davantage qu’à d’autres nations, la Côte d’ivoire est un pays que Ignace a choisi. Pleinement» a-t-il relevé. Avant de partager cette anecdote sur le défunt.
« Au milieu des années 70, alors qu’il en était arrivé à la certitude que son avenir au sein du cabinet Arthur Andersen devait nécessairement passer par l’Afrique, Ignace demande à être affecté à Abidjan. Guy Barbier, le grand patron d’Arthur Andersen, qui l’avait associé de très près à ses projets d’implantation du cabinet en Afrique, lui propose alors avec insistance de rejoindre Dakar. Ignace, avec tout autant d’insistance, demande à aller à Abidjan. Guy Barbier continue d’insister, en faisant valoir qu’à sa connaissance, les Togolais et les Dahoméens (Béninois) n’étaient pas très aimés en Côte d’Ivoire.
Allusion à une crise qui avait débouché, par deux fois, avant et immédiatement après l’indépendance, en 1960, sur l’expulsion d’étrangers, notamment originaires du Togo et du Dahomey. Ignace fait alors valoir que, d’un point de vue culturel, il était – en tant que Togolais, avec en plus quelques racines ghanéennes – plus proche des Ivoiriens qu’il ne le sera jamais des Sénégalais. Il finit par avoir gain de cause.
Par précaution, Guy Barbier suggère néanmoins qu’il réside à l’hôtel pendant au moins six mois – ce qui était la norme, à l’époque -, le temps de s’assurer que l’intégration dans le pays se passait bien. Ignace sera donc, pendant environ cinq mois, parmi les tout premiers clients de l’hôtel du Golfe, qui venait d’ouvrir. Avant l’expiration des six mois prévus, il demande à s’installer définitivement. Pour Arthur Andersen, il restera en poste pendant une bonne vingtaine d’années dans cette ville d’Abidjan où il se sentait chez lui, si bien !
En fait, même si, depuis une vingtaine d’années, il s’est fait plus présent dans son Togo natal, Ignace – depuis pratiquement cinquante ans – n’a jamais quitté la Côte d’Ivoire. Il aimait ce pays. Il a donné les plus belles, les meilleures années de sa vie à la Côte d’Ivoire. Il pouvait tout donner à la Côte d’Ivoire. Il aimait la qualité des Hommes – des femmes et des hommes – de ce pays. Il aimait l’esprit de conquête, sain, de l’élite de ce pays et était particulièrement fier d’avoir pu cheminer avec quelques-uns des meilleurs. »
Héritiers professionnels
Pour recevoir la distinction du gouvernement ivoirien, la famille d’Ignace Clomégah était au complet : Florine Clomégah-Freitas, la fille aînée qui s’est exprimée au nom de la famille, ses frères et sœurs Florine, Michaël, Alice, Audrey, et Boris, la veuve Maryse ainsi que Cole Anthony, son cousin, représentant Marcelin Mensah, doyen de la famille Clomégah.
Autour d’elles, des membres du gouvernement ivoirien, d’éminentes personnalités issues du monde des affaires et de l’expertise-comptable, dont Bruno Nagbanié Koné, ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Jean Kacou Diagou, président du groupe NSIA, Georges Wilson, Administrateur d’Atlantic Financial Group (AFG), etc.., ainsi que d’anciens collègues d’Arthur Anderson, Afrique Audit et Consulting et Deloitte et de nombreux amis ivoiriens.
«Professionnel de haut niveau et de très grande envergure, Ignace aura beaucoup transmis. Ses héritiers brillent et prospèrent, ici et ailleurs, aussi bien dans des gouvernements, des institutions internationales, des multinationales que dans le secteur privé, en général » a résumé Jean-Baptiste Placca.