Foncier : Après le Ministre de la Justice, l’Union syndicale des magistrats du Togo interpelle le Président de la Cour suprême

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Le feuilleton sur les litiges fonciers continue. Après avoir demandé la semaine dernière au Garde des Sceaux, ministre de la Justice de rapporter ses circulaires relatifs à la prise des ordonnances de cessation des travaux et des expulsions, l’Union syndicale des magistrats du Togo (USYMAT)  vient de dresser un long réquisitoire contre le communiqué télévisé du 22 octobre du président de la Cour suprême.  

Dans sa sortie médiatique, Abdoulaye Yaya avait annoncé qu’ à «  pour compter de cette annonce, toutes expulsions forcées massives, toutes démolitions d’immeubles quelles que soient leurs envergures et tout déguerpissement massif de population ordonnés par décisions de justice sont suspendus jusqu’à nouvel ordre et ce dans les ressorts des deux Cours d’appel du Togo…. ». Il justifiait sa décision par « les dérives dans l’exécution des décisions de justice en matière foncière par certains acteurs de justice en l’occurrence, entre autres, les huissiers de justice sur décisions de juges assistées de la force publique par des individus peu recommandables appelés communément (les gros bras) qui créent des désarrois au sein des populations ».

Ilégalité et abus de pouvoir

Dans un courrier adressé le 02 novembre dernier au président de la Cour suprême et dont nous nous sommes procurés copie, l’USYMAT estime qu’Abdoulaye Yaya, par ailleurs président du Conseil supérieur de la magistrature ( CSM) et ès qualité, n’ a pas vocation à
contrôler l’exacte application de la loi par les décisions de justice encore moins les
difficultés liées à leur exécution. « Il va donc de soi qu’(il) n’a aucunement compétence pour prendre un communiqué portant sursis à exécution des décisions de justice passées de surcroit en force de chose jugée » déclare l’USYMAT.

Pour Adamou Békéti, avocat général près la Cour suprême et président du syndicat,  l’annonce télévisée de sursis général à exécution de toutes décisions définitives d’expulsion et de démolition n’entre aucunement dans les attributions du président de la Cour suprême. « Manque donc, ici encore, cruellement de base légale le communiqué controversé de par l’incompétence de son auteur.
D’ailleurs, comment pouvait-il en être autrement quand on sait que les décisions de
justice passées en force de chose jugée échappent même à la compétence et au contrôle
de la Cour suprême que le président à l’honneur d’administrer » écrit le magistrat.

« Un  communiqué verbal portant sursis à exécution sur toute l’étendue du territoire national de décisions de justice exécutoires, contrevenant du coup aux prescriptions d’une loi, est de toute évidence illégal de par également son objet. Ce communiqué, faut-il encore le préciser, ne constitue ni plus ni moins qu’un abus de pouvoir », juge Adama Békéti.

Recours légaux

De fait, l’USYMAT suggère  quelques voies légales de correction des décisions de justice dites
illégales. Notamment le pourvoi dans l’intérêt de la loi, la requête civile ainsi que le  fonds de dédommagement  qui peut constituer, selon le syndicat,   une alternative sérieuse à l’exécution des décisions d’expulsion et de démolition massive.

L’USYMAT estime au final  que le  communiqué crée  plus de troubles qu’il n’en guérit puisqu’il fait croire à tort au justiciable lambda la suspension de l’exécution de décisions de justice alors qu’il n’en est absolument rien. « Dans l’illusion, en effet, que toutes expulsions et
démolitions sont dorénavant interdites, on assiste aujourd’hui, plus qu’avant, à la
floraison de constructions de mauvaise foi sur des terrains litigieux » constatent les magistrats.