Incroyable mais vrai ! Après s’être fait applaudir début août pour son courage d’avoir clairement identifié la structuration de la corruption dans notre pays ainsi que ses acteurs les plus emblématiques, la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées ( HAPLUCIA) vient de faire un curieux rétropédalage, accusant la presse d’avoir été un mauvais relai.
En effet, un mois plus tôt, l’institution dirigée par Essohana Wiyao avait organisé un atelier de validation du rapport final d’une étude confiée à l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED) dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées. En creux, c’est une enquête portant sur la perception de la corruption et son coût.
Ses résultats avaient indiqué qu’environ 10 milliards de F CFA sont versés sous forme de pots-de-vin chaque année dans le pays par des particuliers et des entreprises. Les acteurs les plus impliqués sont majoritairement des riches à 77,2%, des hommes puissants tels que les ministres, les préfets ou les magistrats (57,2%). Les composantes de la société qui cèdent le plus à la corruption au terme de l’enquête sont les agents de la justice (70%) et les financiers ou comptables (43,3%).
Si l’opinion a applaudi ces conclusions qui sont les premiers faits d’arme d’une institution contre laquelle elle a plutôt un a priori défavorable, la considérant dans le meilleur des cas comme un pis-aller dans la stratégie publique de la lutte anti-corruption, il n’en est pas de même pour les indexés. On peut les comprendre. Même si aucun nom n’a été cité, des professions, métiers ou encore corps ont été stigmatisés. Pas nécessairement à tort pour le coup. Et surtout insuffisant pour soutenir et justifier les excuses publiques que le dirigeant de la HAPLUCIA a cru devoir présenter aux « personnalités affectées par le mauvais relais médiatique qui a été fait».
Nul ne peut nier le manque de professionnalisme et de sérieux dont peut faire montre la presse dans notre pays, avec des conséquences très préjudiciables pour ceux qui en sont victimes. Ceci ne devrait pas faire des journalistes, les boucs-émissaires d’un dédit dont tout le monde a compris les motivations. Même la très officielle TVT avait relayé les mêmes informations au lendemain de l’atelier, pour ne pas conforter celles qu’ont publiées les médias privés. Il serait difficile d’accréditer l’idée que la gravité de cette plaie qui gangrène notre pays à tous les niveaux ainsi que l’identification de ses principaux acteurs, relèvent de l’imagination fertile de professionnels de la communication.
En 2020, ce n’est pas la presse qui classe le Togo au 130è rang mondial sur 180 pays à l’indice de perception de la corruption mais la très consultée sur la question, Transparency International. Il avait d’ailleurs régressé de 12 points au classement 2018 avec la 129e place.
Raison pour laquelle ce qui est attendu de la HAPLUCIA est un ferme engagement à renverser cette tendance vicieuse qui compromet notre environnement des affaires et nuit à notre économie. Et de ses membres, d’habiter leurs fonctions en assumant leurs responsabilités.