On est toujours gêné aux entournures, et certains même font de l’autocensure, lorsqu’il s’agit de porter un regard critique sur Mgr Philippe Kpodzro, non pas sur ses activités pastorales, mais relativement à son immixtion dans la vie politique togolaise. Plusieurs raisons à cela, mais trois essentiellement. D’abord pour l’autorité morale qu’il représente. Dans un pays où les croyances religieuses sont très présentes et l’église catholique influente, la figure ecclésiastique d’un archevêque émérite qui, tout au long de sa vie de berger a baptisé, confessé, célébré des milliers de messe et fait communier des millions de fidèles, impose un minimum de respect, voire de dévotion. Ensuite pour son âge. Dans nos sociétés, quasi traditionnelles voire encore conservatrices, les personnages âgées imposent de la considération et convoquent l’honorabilité. Enfin et quels que soient les griefs qu’on peut retenir contre lui par ailleurs, l’ancien évêque d’Atakpamé n’est pas à la recherche de lucre ni de gains politiques pour lui-même.
Cependant et malgré tout, ses immixtions intempestives dans la vie politique togolaise se soldent par des résultats désastreux non seulement pour la cause qu’il prétend défendre mais plus généralement, pour le pays tout entier, et dont on est bien obligé d’en dresser l’inventaire. Dans les années 90, son parti pris délibéré et ses attaques systématiques contre feu Gnassingbé Eyadéma alors qu’il présidait la Conférence nationale souveraine, ont abouti d’abord à la suspension de celle-ci, puis à son échec. Alors qu’elle fut une réussite au Bénin voisin, modèle dont la classe politique togolaise balbutiante voulait s’inspirer. Pour certains, ce forum inédit a échoué parce que le général Eyadéma n’était pas Matthieu Kérékou. Sans doute. Mais ce fut un échec surtout parce que Mgr Philippe Kpodzro n’avait pas pris de la graine chez Isidore de Souza, le prélat qui présida la conférence béninoise. Un homme plein de modération dont l’obsession ne fut pas de défier l’autorité encore moins d’humilier un président en exercice comme ce fut le cas chez nous, alors que celui-ci était toujours doté de ses pouvoirs constitutionnels, entouré de fidèles dont une bonne partie des forces armées, appuyé par de multiples réseaux et disposant d’importants moyens financiers.
Pour avoir voulu imposer son candidat désigné selon lui par le « Saint-Esprit », le prélat a plus que jamais divisé trente ans plus tard l’opposition et réduit aujourd’hui à sa plus simple expression ce qui en restait.
A l’heure du bilan, Agbéyomé Kodjo qu’il a adoubé, a obtenu le pire score dont a été crédité le challenger d’un président sortant dans notre pays, est poursuivi dans une procédure où il risque 30 ans de réclusion ; autant dire la fin de sa carrière politique. Jean-Pierre Fabre qu’il a tant vomi, sali et démoli, se retrouve avec un humiliant 4% et a perdu son audience d’antan. Me Dodji Apévon doit faire face à une fronde au sein de son parti. Les autres leaders ont disparu de la scène pour diverses raisons, qui ne lui sont pas nécessairement imputables.
Au surplus c’est à une guerre ouverte qu’on assiste entre la Dynamique qu’il a créée et une bonne partie de l’opposition, notamment les formations politiques et leaders qu’il a « excommuniés » pour ne pas avoir adhéré à sa démarche. Avec un bilan aussi négatif, il importe plus que jamais qu’il retire Dieu du jeu politique. Et que ceux qui ne manquent jamais d’air pour embraser la vie publique mais manquent de souffle lorsqu’il s’agit de faire des propositions constructives, le lui disent. Au nom de Dieu.