Respecter le code de la route, rouler pour vivre et sécuriser des vies !

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Des blessés, des handicapés à vie et des morts, la route en produit presque toutes les minutes. Qui en sont responsables ?

Il est 18 heures 15 minutes. Le ciel s’assombrit, la nature est menaçante avec une pluie qui s’annonce très imminente. Mme Agbokou, commerçante,  qui marche d’habitude de Hanoukopé à Bè pour prendre un taxi  et se rendre à Adakpamé,  doit aller vite cette fois-ci avec un conducteur de taxi moto . Si elle pouvait faire remonter le temps, elle choisirait d’être victime de la pluie que de  l’incivisme routier. Le conducteur de moto a été prudent.

Voulant passer au feu orange au carrefour Deckon, il a failli entrer en collision avec un taxi qui venait du grand marché de Lomé. Prise de peur, Mme Agbokou a sauté de la moto et s’est fracturée la jambe. Evacuée au CHR Lomé commune, il lui est prescrit une intervention chirurgicale. Coût de l’opération : 1 million FCFA. Ne pouvant pas réunir la somme, cette revendeuse d’avocats sera conduite chez un tradithérapeute qui va essayer des traitements qui s’avéreront inefficaces. Deux ans plus tard, cette veuve qui s’occupe seule de ses six enfants après la mort du mari, ne peut plus se déplacer sans une béquille.

Cette triste histoire qui remonte à  décembre 2019,  n’est qu’une parmi les nombreux drames qui sont provoqués tous les jours sur nos routes. Loin d’éveiller les consciences, après les cris, les larmes et les lamentations,  les accidents continuent; la fatute aux usagers.

Des chiffres inquiétants

Au premier semestre de l’année 2020, 241 personnes ont, au Togo, perdu leurs vies pour plus de 2627 accidents, a rapporté le ministre de la sécurité, Gal Yark Damehame. En 2019, on a recensé,  du 1er janvier au 31 juillet, 3.178 accidents assortis de 354 morts et 4.483 blessés et un total de 4.935 accidents pour 535 morts et 6.903 blessés pour toute l’année.

De janvier à juin 2018, 286 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route et 3817 personnes sont blessées. Les routes au Togo ont enregistré 5 181 cas d’accidents au cours de l’année 2017, avec un bilan de 8 624 blessés et 580 morts. Un chiffre en augmentation par rapport au bilan de l’année 2016, durant laquelle le nombre de décès a atteint 473 morts.

Ces chiffres dépassent largement le nombre de morts enregistrés dus à la contamination au coronavirus. Une situation expliquée souvent entre autres par le non-respect du code la route,  la conduite en état d’ébriété, le téléphone au volant, le refus de porter le casque. Et les conséquences sont là : les morts et les blessés sur nos routes.

A l’Association des  victimes de la route (AVR),  on souhaite  que cette comptabilité macabre  amène les usagers à changer leurs attitudes dangereuses.  « Un accident c’est déjà de trop. Il faut chercher à comprendre pourquoi on a un accident », a indiqué M. Otto-Günter Kpegoh, directeur exécutif de AVR-Togo et expert-conseil en gouvernance et autonomisation de la sécurité routière.

Des comportements citoyens à adopter en circulation

Un piéton ne doit traverser la route, la chaussée que lorsque le feu est au rouge. En absence du pictogramme, conseille le commissaire Kossi Koutche, commandant de la Brigade motorisée ( BM) ,  le piéton doit prendre soin de voir l’allure, la position, la vitesse à laquelle roule l’automobiliste avant de s’engager.  « Un automobiliste qui voit un piéton engagé sur le passage clouté doit ralentir ou s’arrêter pour laisser passer le piéton », a-t-il rappelé.

Un endroit fréquenté par les piétons comme une école, une église, un hôpital  ou un marché est souvent matérialisé par un panneau ; un conducteur qui s’en approche doit ralentir et rouler à une vitesse qui lui permet de s’arrêter au besoin.

« Lorsqu’un bus scolaire s’arrête pour embarquer ou débarquer les écoliers, l’automobiliste ne doit le dépasser qu’à une vitesse très réduite en faisant preuve d’une prudence particulière », a ajouté le commissaire. Et de préciser que le fait d’être auteur d’un accident sur la voie publique est une infraction.

Un piéton ramassé sur un passage clouté, c’est une circonstance aggravante, selon le commissaire. Il en est  de même pour les cas d’un mineur sur une voie publique et un handicapé. « Si la personne décède, c’est un homicide volontaire. L’auteur de l’accident va faire la prison », a souligné le Chef de la BM.

De la courtoisie sur les routes

Il faut, avant tout, veiller au bon fonctionnement et à l’entretien régulier de tout engin qui rentre en circulation. Que celui qui veut s’arrêter allume ses feux arrières . « La distance de sécurité est de 5m en circulation. Il faut savoir dépasser  son prochain pour ne pas créer un accident. En agglomération, la loi dit qu’il ne faut jamais rouler et dépasser 50km/h. il faut que les gens respectent les vitesses imposées. Respecter scrupuleusement le code de la route et céder le passage aux personnes à bord des matériels roulants », a prodigué le commissaire Koutche.

De son côté, Eric, un usager de la route,  conseille également de donner la priorité aux piétons et pas forcément quand ils sont sur un passage clouté.  « Quand il pleut, respecter les citoyens qui sous la pluie essayent de traverser la route, même s’ils ne sont pas sur les passages cloutés. Arrêtons-nous une seconde, allumons nos clignotants pour éviter que quelqu’un d’autre passe de l’autre côté de manière à ce que cette personne traverse la rue librement,  saine et sauve », suggère le sexagénaire.

Une route bien construite, bien entretenue, un gage aussi pour la sécurité des usagers

On constate sur certaines routes de la ville des égouts dont les couverts ont glissé ou qui n’existent pratiquement pas alors qu’ils ne se trouvent qu’à quelques centimètres de la chaussée.

A cela,  s’ajoutent des signalisations qui tombent en panne par moments et ne sont pas réparées à temps ainsi que certains ronds-points qui ne facilitent pas un passage facile surtout pour les gros camions. Toutes ces situations ajoutées à l’absence des ralentisseurs ou dos-d’âne bien visibles à certains endroits très utilisés de la ville,  sont parfois sources d’accidents.

C’est ce qui d’ailleurs incite Togbui Dagban Ayivon IV, urbaniste et chef quartier Adakpamé -Apéyémé, à exhorter les autorités à  veiller à une bonne sécurisation des routes du point de vue forme et technicité.

« Il faut tenir compte des dévers.  Ce sont  des relèvements des côtes des routes au niveau des tournants. Ne   pas les prendre en compte, provoque la chute de certains camions au niveau des routes parce qu’ils ne sont pas bien relevés. Il y a une énergie que nous appelons énergie centrifuge qui au niveau des tournants,  fait basculer les véhicules lourds de l’autre côté. Du point de vue technicité, il faut construire les routes de façon à ce qu’elles puissent se maintenir le plus longtemps possible. Rapidement les nouvelles routes comportent des nids de poules et des chutes qui font que cela génère autant d’accidents. Il faut aussi faire de la signalisation routière une priorité. Enfin il faut pouvoir éclairer suffisamment les routes », a proposé l’urbaniste.

Par ailleurs, la question de la sécurité routière n’est plus réservée à l’Etat seul.  Il y a désormais   des élus locaux. Il urge que les  maires pourvoient  à un aménagement adéquat. Ils  doivent veiller à mettre en place sur les routes,  un système de signalisation qui sied pour permettre à chaque usager de la route de savoir dans quel canal il faut circuler.

Si tout est mis en branle, souligne Togbui Dagban Ayivon, il y aurait moins d’accidents. « Il suffit de mettre en place des mesures coercitives et tout ira pour le mieux. Il faut combattre aussi la corruption policière et  combattre les gens qui sont là sans permis, qui ne savent pas conduire », a-t-il ajouté.

Témoin d’un accident : que faire ?

En face d’un accident, la première attitude à adopter, conseille l’expert-conseil en gouvernance et autonomisation de la sécurité routière, M. Otto-Günter Kpegoh, est de baliser le chemin pour qu’un autre véhicule ne vienne pas aggraver les circonstances. Ensuite, revenez vers là où se trouvent les victimes et s’assurer du niveau de gravité.

Après cela, le témoin est alors en position  de communiquer avec les services de secours à qui il peut décrire le niveau de gravité ou non le lieu et les dispositions à prendre afin que ces dernières puissent savoir avec quels types de matériels et comment ils doivent arriver sur les lieux pour secourir la victime.

Du côté des services de sécurité, on conseille de ne pas s’approcher des accidentés de la route si les personnes présentes sur les lieux ne connaissent rien en secourisme surtout quand la victime saigne. «Il ne faut pas la toucher. Laisser les spécialistes venir les dégager. Après la balise, contacter les pompiers, la police ou la gendarmerie pour le constat »,  a affirmé, de son côté, le commandant chef de la brigade motorisée.  Laisser des traces pour le constat est très important, selon le président de l’Association pour les  victimes de la route.

« Vous pouvez vous faire lyncher dans la circulation aujourd’hui quand vous évoquez le mot constat lors d’un accident juste parce que les parties vont payer 5000F. Le constat a des fonctions, des valeurs dont la valeur pédagogique. Aujourd’hui après l’accident celui-ci dit c’est moi qui  a  raison, l’autre dit c’est moi. Comment est-ce qu’on tranche ? » s’est interrogé M. Otto-Günter Kpegoh qui rappelle que c’est à partir de cet exercice et en fonction des résultats que les victimes peuvent bénéficier de réparations auprès des services d’assurance.

Un engagement plus poussé de l’Etat dans la sécurité routière est primordial

Même si presque chaque année on sort des nouvelles stratégies pour contrecarrer le mal, rendre réelles les mesures prises n’est pas toujours accomplies dans la plupart des cas. C’est le cas de l’alcootest vanté récemment et qui n’a pas fait long feu ou n’est pas disponible sur toutes les artères de la ville et les routes internationales. L’autre méthode annoncée est l’exigence du permis de conduire aussi pour les conducteurs de motos. Cela fait déjà un peu plus d’un an et demi, après les dépôts de dossiers et les frais d’inscription, les candidats à cet examen n’ont aucune information par rapport aux  évolutions. Alors que tout cela contribuerait à réduire les cas d’accidents.

D’autre part, l’Etat est invité  à définir des programmes améliorés, avancés, modernes et modernisés pour la gouvernance de la sécurité routière. Il faut mettre des moyens, selon le président de l’AVR,  pour des radars et des patrouilles motorisées. « Lorsque les policiers sortent pour les contrôles routiers, ils sont avec des motos qui ne peuvent pas faire arrêter quelqu’un qui est à bord d’une BMW série 5, série 7, une Hyundai ou une Santa-Fe en bon état.  Le conducteur peut mettre le pied sur l’accélérateur et  s’en aller ; cela ne fait pas du respect pour le sujet policier qui est là, pour la corporation policière. Ce sont des institutions républicaines à respecter. Nous voulons avoir une police enviable, une police que d’autres pays voisins envient et qui représentent un cas d’école sur la base duquel on peut s’inspirer pour améliorer ailleurs», a proposé M. Otto-Günter Kpegoh.

La prise en charge primaire des victimes de la route, une nécessité

Un accidenté de la route peut facilement réintégrer la société et revenir à un état normal si et seulement si on l’amène le plus vite possible à l’hôpital et qu’il bénéficie d’une prise en charge rapide. Ceci nécessite l’intervention rapide des services d’urgence, entre autres, les sapeurs-pompiers.

« Si la victime arrive à l’hôpital, elle doit avoir les soins élémentaires qui à la fin doivent être imputés ou revenir à une assurance donnée comme l’impose le Code SIMA. La victime à défaut de trépasser revienne avec des blessures légères ou graves soignées sans handicap ou avec handicap et puisse être réintégrée à la société parce que le seuil de productivité sur la base duquel l’Etat définit le développement et la croissance financière se fait avec l’ensemble de la population », a souligné le président de AVR Togo.

En somme, chaque entité de la société est concernée par la question de la sécurité routière. Si le gouvernement doit garantir les infrastructures adéquates, il est conseillé que chaque citoyen adopte un comportement civique sur les routes.

« Aussi longtemps que nous adhérerons à la délinquance et à l’incivisme, sous quelle que forme que ce soit, par qui que ce soit, où que ce soit, pour la moindre raison que ce soit, les projets, les programmes, les politiques et leurs corollaires ne resteront que des maux stériles dans la consommation de notre indépendance et l’acquisition comme l’approbation des attributs du changement pour une avancée manifeste qui nous conduira vers un  développement réel, ne restera qu’un soleil, aperçu dans le ciel depuis la terre sans opportunité ni espérance qu’il nous serve », avertit M. Otto-Günter Kpegoh.

La route, en effet, a son langage. Il faudrait que les citoyens et les citoyennes en général et les usagers de la route en particulier comprennent que la circulation est un art. Pour circuler sur les routes, il faut se prédisposer à connaître d’abord les règles de cet art et les façons d’échanger avec lui.