Depuis bientôt trois semaines, une dizaine de personnes est aux prises avec la justice pénale dans le cadre de l’affaire dite du « trading». Inculpées entre autres pour escroquerie et complicité d’escroquerie, elles risquent jusqu’à 20 ans de réclusion pour avoir notamment par l’usage d’une fausse qualité et l’emploi de manœuvres frauduleuses, trompé des milliers d’épargnants et les avoir déterminés à leur préjudice estimé à plusieurs dizaines de milliards FCFA, à leur remettre des fonds. Si la responsabilité des fameux « traders » est incontestable, elle n’est pas exclusive et n’exonère pas pour autant celle d’autres acteurs dans ce dossier au parfum d’un vrai scandale financier et social.
En effet, les traders autoproclamés ont fait perdre des milliards de FCFA cumulés à des milliers de compatriotes qui, hormis une minorité nantie ayant choisi des raccourcis pour s’enrichir davantage au lieu d’investir dans des entreprises au bénéfice de la communauté, tirent le diable par la queue pour la plupart et n’est pas assise sur d’importants revenus. Pour avoir fait croire que l’on pouvait effectuer des investissements aux rendements allant jusqu’à 300% en 2 ans, les « Bernard Madoff » tropicaux qui se sont enrichis sur le dos de petites gens, menant grand train au préjudice de ceux-ci, devront répondre nécessairement de leurs actes.
Cependant, même si c’est à un niveau différent, la responsabilité de l’Etat doit être interrogée, notamment celle du ministère de l’Economie et des Finances. Il est constant qu’au Togo comme dans l’espace UEMOA (Union économique monétaire ouest-africaine), toute activité financière est régulée par le Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF). Seules les structures reconnues par le Conseil des ministres de la zone et pouvant se prévaloir d’un agrément du CREPMF sont autorisées à spéculer sur le marché financier. Celles-ci qui le font sans agrément de même que celles qui font appel à l’épargne publique sans autorisation exercent donc dans l’illégalité.
Pourtant, la dizaine de sociétés aujourd’hui fermées, ont exercé pendant des années, non pas en toute clandestinité mais en ayant pignon sur rue. Elles ont organisé au soutien de leurs activités, des campagnes promotionnelles et publicitaires agressives, accessibles aussi bien sur les médias et supports traditionnels que sur les réseaux. Leurs responsables ont été par ailleurs montés au pinacle, devenant des figures applaudies et citées comme des références, au su et à la barbe de ceux qui auraient dû mettre fin à cette mascarade à grande échelle dès le départ.
La responsabilité des épargnants aussi est engagée. Après IDH, Redémare chez nous, ICC Services au Bénin et l’affaire Bernard Madoff aux Etats-Unis, il est curieux qu’ils se soient encore fait embarquer dans une histoire dont la fin était écrite d’avance, si ce n’est par appât du gain facile. Difficile dans ce contexte de pleurer sur leur sort, victimes de leurs propres turpitudes.
Malgré tout, s’ils sont co-responsables de la situation, l’Etat comme tous ceux qui ont perdu leur épargne ne sont pas pourtant coupables ; la seule culpabilité pouvant être mise au débit des victimes étant leur naïveté. Heureusement pour elles, dans notre ordonnancement juridique actuel, celle-ci n’est pas encore considérée comme une infraction punissable.
Le droit doit donc passer dans ce dossier. Mais la recherche de la justice ne devrait pas être une occasion de trouver des responsables de substitution ou des boucs-émissaires. Il faut que la procédure soit menée en toute impartialité et que seuls ceux dont l’implication est avérée, en répondent. Gageons que ce sera le cas.