Parmi les nouvelles entrées dans le gouvernement Klassou II, la sienne fait partie de celles qui ont été saluées par l’opinion, surtout par les acteurs du monde agricole. Nommé ministre de l’Agriculture, de la production animale et halieutique, Noël Koutéra Bataka aura la lourde tâche de la réalisation efficiente de l’ambitieux programme de transformation de la filière agricole togolaise, à travers le Mécanisme incitatif de financement agricole ( MIFA) ainsi que le projet des agropoles, inscrits à l’agenda du Projet National de Développement (PND). A ce poste, il remplace le colonel Ouro-Koura Agadazi, qui y aura passé plus d’une demi-décennie, avec un bilan mitigé, marqué par des polémiques et des scandales.
The right man at the right place, exigent souvent les Togolais. La nomination de Noël Bataka à l’Agriculture peut être inscrite dans ce cadre. Cet expert agronome, formé à l’Ecole Supérieure d’Agronomie, qui est passé par l’Université Paris Dauphine et l’Ecole Nationale d’Administration (France) a fait l’essentiel de sa carrière dans le secteur agricole. Chargé de mission auprès du préfet du Gers (France) au début des années 2010, il sera plus tard consultant au service Afrique du Centre d’investissement (TCIA), logé à l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).
De retour à Lomé, ce quadra, décrit comme brillant et professionnel, va travailler au ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche dont il prendra plus tard le Secrétariat général en avril 2014, avant d’en être déchargé par son ministre du tutelle, le colonel Agadazi, avec qui il entretenait des relations conflictuelles. Au titre de Spécialiste national suivi et évaluation, il participe au Projet d’Appui au Secteur Agricole (PASA), avant d’être intégré comme expert agronome en 2017 à la Cellule du Millennium Challenge Account (MCA) Togo.Il y était chargé de l’identification des causes profondes des contraintes relatives à l’agriculture, de l’analyse approfondie des principales causes à partir d’outils appropriés, de la définition des problèmes. Mais aussi des ébauches de réformes, de l’identification des opportunités d’investissement et des activités dans le secteur.
Il y a réalisé par ailleurs l’analyse du foncier rural et formulé
le projet de réforme foncière pour l’amélioration de la productivité agricole au Togo (LRAP)
MIFA :
Depuis juin 2018 jusqu’à sa nomination à la tête du ministère de l’Agriculture, le natif de la préfecture de Doufelgou, était le coordonnateur du MIFA au cœur de la politique agricole du gouvernement togolais. Dévoilé en avril et lancé officiellement en juin 2018, le projet, qui s’inscrit dans le PND est inspiré de l’expérience du Nigeria Incentive-basedrisk sharing system for agricultural lending (NIRSAL), visant à promouvoir les produits financiers et assuranciels adaptés au secteur agricole et à faciliter le partage des risques entre les différents acteurs de ce secteur.
Le Mécanisme ambitionne ainsi de fédérer tous les acteurs de la chaîne de valeur agricole, de leur fournir une assistance technique en vue d’assurer l’industrialisation de l’agriculture, l’essor des Micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et des Petites et moyennes industries (MPI).
Le Togo espère également, à travers ce fonds innovant pour une agriculture professionnalisée, porter sensiblement la contribution des institutions financières au secteur agricole, intensifier les prêts aux producteurs agricoles pour atteindre 50% de portefeuille total des financements accordés au secteur et de réduire le taux d’intérêt des crédits agricole de 15 à 7,5%.
A terme, le MIFA entend contribuer à atténuer les risques liés aux prêts agricoles, remédier à la fragmentation des chaînes de valeur agricoles, booster l’agro-business et lutter efficacement contre la pauvreté. Il est soutenu par la Banque africaine de développement (BAD) et le Fonds international de développement agricole (FIDA).
8 mois après le lancement de sa phase pilote, le très actif mais discret Noël Bataka, dont on dit qu’il n’est jamais à court d’idées dans la réflexion portant sur la modernisation de l’agriculture togolaise, va sans doute quitter le MIFA avec des résultats certains. L’expérience faite par exemple dans les zones d’aménagements agricoles planifiées d’Agou, d’Agoméglozou, de Blitta, de Kovié, de Notsè et de Sadori a connu un franc succès.Le mécanisme dans sa phase pilote a permis l’enregistrement et l’accompagnement de 3.500 agriculteurs, la pré-livraison d’intrants agricoles à hauteur de 75 millions de francs CFA et la structuration de la chaînes de valeur agricole.Plus de 105 millions de francs CFA ont été alloués aux exploitants agricoles au taux de 8% et 1,2 milliards approuvés et en cours de décaissement.
Autres résultats à mettre à son crédit: la signature d’une dizaine de conventions de partenariat, la négociation de contrats d’achat avec des agrégateurs pour l’acquisition de plus de 10.000 tonnes de riz, 3500 tonnes de maïs et 10.000 tonnes de manioc, et l’accompagnement de 122 coopératives d’exploitants agricoles qui bénéficieront d’environ 2 milliards de francs CFA de crédit auprès des partenaires financiers.
Celui dont le leitmotiv est la synergie d’actions des acteurs du monde agricole pour le développement des chaînes de valeur a l’occasion de faire faire à un secteur, pour lequel il a depuis plusieurs années apporté son énergie et ses idées novatrices, un saut qualitatif. Ici plusqu’ailleurs, c’est aux résultats qu’il sera jugé.