Le dossier commence à faire grand bruit. Il y a quelques jours, la Cour des Comptes a publié sur son site internet le Rapport d’Audit du Fonds de Riposte et de Solidarité COVID-19 (FRSC), Gestion 2020. Depuis, les réseaux sociaux s’en sont emparés, en commentant ses « bonnes feuilles ». Cette discrète institution constitutionnelle que certains affublent du surnom de la « Grande muette bis » se retrouve au centre d’un buzz dont elle se serait bien passée. A tort. Car ses publications ne pourront faire œuvre utile que si les irrégularités qu’elle révèle et les recommandations qu’elle fait, sont convoquées devant le jugement de l’opinion.
On peut prendre le pari sans risque de le perdre que les Togolais qui connaissaient l’adresse du site web de la Cour de Comptes, sont de grands curieux, de fouineurs invétérés ou de professionnels de chiffres. Autant dire une ultra minorité. Le nombre de visites a dû connaître une évolution exponentielle depuis quelques jours et la publication du Rapport d’Audit du FRSC.
En bons « voyeurs » comme tout peuple lorsque les « puissants » sont indexés ou cloués au piloris, beaucoup de Togolais se sont rués sur le document pour s’en délecter. Et il y a de quoi. Plusieurs irrégularités sur la gestion des fonds alloués à la riposte et à la solidarité pendant la pandémie de la Covid-19 ont été relevées, allant des réquisitions irrégulières de structures d’hébergement à l’ absence de coordination entre les actions des différents institutions, ministères, coordinations et comités, en passant par des rémunérations sans aucune base juridique payées aux membres des comités et à certains personnels dits d’appui; ou encore le manque de suivi des opérations de transferts monétaires NOVISSI.
Cet intérêt soudain des Togolais pour la Cour des Comptes qui n’est pourtant pas à sa première publication renseigne malgré tout et hors «voyeurisme » sur leur état d’esprit. Plus que jamais, dans un contexte de conjoncture socio-économique difficile, ils sont demandeurs d’un Etat exemplaire, exigeant envers ceux qui ont la gestion des deniers publics, les obligeant à une utilisation respectueuse des règles et les habituant à la reddition des comptes.
Certes, la Cour des Comptes est une institution dont les pouvoirs et la capacité d’investigation sont limités. Elle a d’ailleurs évoqué dans son Rapport, quelques unes de ses limites : l’’inaction ou la réaction tardive de certains acteurs impliqués dans la gestion des fonds, dans la production des informations demandées, le manque d’expertise nécessaire pour vérifier la qualité des équipements médicaux qui ont été acquis, les difficultés inhérentes à la vérification de certains postes de dépenses importantes, notamment le matériel consommable (masques de protection, médicaments, gels, réactifs, etc.) acquis par l’Etat faute de comptabilité, les difficultés d’accès aux fournisseurs ou prestataires non-résidents.
Il n’empêche que cette sortie, tout de même sans tambours ni trompette, n’est pas passée inaperçue. De fait, à chaque fois qu’une institution assumera pleinement sa mission et prendra ses responsabilités, elle suscitera l’intérêt patriotique de nos compatriotes.