Les « initiés » connaissaient leur proximité et l’affection que se vouaient les deux hommes. Mais l’intolérance et le manichéisme qui peuvent parfois caractériser la vie politique togolaise, expliquent que feu Patrick Lawson et Gilbert Bawara aient choisi la discrétion, pour vivre et entretenir une forte amitié, loin des médias et des yeux inquisiteurs d’une certaine opinion, et en dépit de leurs positions politiques divergentes.
Aussi, le ministre de la Fonction publique, du Travail, et du Dialogue social pouvait-il difficilement résister à la tentation d’adresser un « dernier mot » à son « cher Patrick » lors de la messe d’enterrement célébrée en mémoire de celui-ci, le 26 novembre dernier. En fait d’hommage, ce fut une véritable ode à l’amitié et une exhortation à la tolérance. Face à cela, le début de polémique que certains tentent de créer semble bien insignifiant.
Le fait même que la famille biologique de Patrick Lawson ainsi que Jean-Pierre Fabre aient donné leur assentiment pour une prise de parole de Gilbert Bawara lors de la messe d’enterrement du premier vice-président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), témoigne des forts liens qui unissaient les deux hommes. Il renseigne aussi sur l’esprit de rassemblement et de tolérance, loin des clivages politiques, qui a présidé aux obsèques du septuagénaire, à l’image de ce que fut la vie de celui-ci : un ferme engagement au service de la démocratie et de l’état de droit, en même temps qu’un profond respect pour ses adversaires politiques.
C’est donc à cet homme « simple, ouvert et aimable, un républicain, un démocrate convaincu et constant » que pleure la classe politique togolaise, qu’a rendu hommage le ministre Bawara le 26 novembre dernier. « Les circonstances ne se prêtent guère à un rappel du moment et du contexte où Patrick et moi fîmes connaissance. Je dirai simplement que le temps, maître de l’histoire, nous a permis de nous côtoyer, de nous connaître, et de nouer une relation d’amitié et de travail dépassionnée et désintéressée » décrit-t-il de leur rapport.
« Nous avions fini par nous apprécier mutuellement, tant et si bien que nous nous appelions l’un et l’autre tout simplement P et G, et j’appelais affectueusement son fils Patrick Junior « mon jeune petit-frère ». Cette proximité et ce respect mutuel ne signifiaient point une quelconque faiblesse dans la défense de nos opinions, et de nos convictions politiques différentes – pour ne pas dire opposées – mais plutôt une rencontre de deux esprits éclairés et civilisés. Je mesure la chance que j’ai constamment eue, à travers Patrick, d’avoir en face de moi un démocrate et un républicain convaincu. » rapporte-t-il.
« Malgré les moments de tension extrême, malgré les combats et les luttes politiques âpres et ardus, la courtoisie, le respect de l’adversaire politique, l’esprit de tolérance, la tempérance et la modération, ne quittaient presque jamais Patrick » se rappelle Gilbert Bawara.
Vaine polémique
Au lendemain de l’inhumation de Patrick Lawson, un début de polémique est né suite à des faits évoqués par le ministre Bawara dans son bel hommage salué par beaucoup. Il est accusé d’avoir voulu porter préjudice à l’image de l’ANC.
L’intéressé balaie du revers de la main ces accusations et plaide pour l’humanisme. Il confie n’avoir jamais été et n’est aucunement animé par quelque esprit malveillant, ni encore par une volonté quelconque de dénigrer ou de semer la discorde au sein de l’ANC. Il dénonce en revanche la duplicité, l’hypocrisie et le mensonge qu’il perçoit dans la société togolaise et qu’il a épinglés au début de son hommage.
Pour le natif de Sioux, l’adversité politique, les désaccords, les luttes politiques, les considérations partisanes ne doivent jamais nous enlever la part d’humanité et d’humanisme que, chacune et chacun de nous porte en elle ou en lui et qu’il faut savoir laisser se manifester lorsque les circonstances l’exigent. « Nous sommes des êtres humains, des femmes et des hommes, des Togolais, des citoyens du même pays, prétendant travailler pour le bien-être et le bonheur de nos concitoyens et de toute la population. Les casquettes politiques viennent ensuite, et elles sont secondaires et passagères » martèle-t-il.
Il déclare être convaincu qu’au-delà des désaccords et divergences politiques, nous pouvons travailler ensemble, transcender les clivages et appartenances politiques pour le bien du pays et de nos concitoyens.
« Je doute que la force et les succès d’une femme ou d’un homme politique ou encore d’un parti politique soit dans l’affirmation servile de sa différence et dans des oppositions intransigeantes, irréconciliables, ou radicales par rapport à d’autres, et même par rapport au parti au pouvoir. Les Togolais ne sont pas dupes. Ils peuvent et savent faire la part des choses, et apprécier et se déterminer sur les capacités des uns et des autres par rapport aux enjeux et défis de notre pays » conclut-il.
Lire l’intégralité de l’hommage de Gilbert Bawara à Patrick Lawson.