Agbéyomé kodjo, un destin présidentiel inachevé

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Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo n’est plus. La mort de l’acteur politique, filleul du feu Gnassingbé Eyadéma, devenu opposant, a été annoncée dans la nuit du 3 au 4 mars 2024, alors qu’il s’est exilé en France après la présidentielle de 2020, à la suite de laquelle il s’est autoproclamé président de la république togolaise. Retour sur le parcours de l’ex-Premier ministre.

Il a occupé tous les postes, sauf celui de Président de la République qu’il a tant convoité et pour lequel il aura bataillé dur en 2020 et même livré son baroud d’honneur. De fait, plusieurs fois ministre, il a été également Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale.

Né à Tokpli, dans la préfecture de Yoto, (sud du Togo) en 1954, Agbéyomé Kodjo a rapidement gravi les échelons pour se retrouver dans les coulisses du palais. Il a étudié en France et reçu un diplôme en gestion organisationnelle de l’Université de Poitiers en Janvier 1983. De retour au Togo, Kodjo fut porté à la tête du département commercial de la SONACOM, un concessionnaire automobile de 1985 à 1988. 

Alors qu’il avait moins de 40 ans, il fut appelé en décembre 1988 par feu président Gnassingbé Eyadéma qui le nomma au gouvernement comme ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. Poste qu’il occupa jusqu’en septembre 1991 où le gouvernement de transition dirigé par le Premier ministre Joseph Kokou Koffigoh prend ses fonctions.

Il sera sollicité dans le gouvernement de transition comme ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité en septembre 1992, jusqu’en février 1993, date à laquelle il prit fonction en tant que directeur général du port autonome de Lomé.

Au lendemain des élections législatives de mars 1999, il est élu à l’Assemblée nationale comme candidat du RPT dans la troisième circonscription de la préfecture de Yoto. Seul candidat à obtenir 100 % des suffrages, il sera élu président de l’Assemblée nationale en juin 1999.

Un an après, il est nommé au poste de Premier ministre le 29 août 2000, en remplacement de Eugène Koffi Adoboli.

 

Disgrâce

Alors qu’il était encore le chef de l’exécutif et pressenti comme le successeur de Eyadéma, le natif de Tokpli va entrer en conflit avec son mentor qui le démet de ses fonctions de Premier ministre le 27 juin 2002.

Dans un article publié dans le journal Le Scorpion le 28 juin, il critique vertement Eyadéma et quitte rapidement le Togo pour s’exiler en France après son expulsion du parti au pouvoir (Rassemblement du peuple togolais, RPT) pour haute trahison.

Après le décès d’Eyadéma en 2005, il rentre dans son pays natal, précisément le 8 avril 2005, mais sera cueilli à sa descente d’avion et jeté en prison pour détournement de fonds présumé alors qu’il était directeur général du port autonome de Lomé.

Nouvelle vie politique

Libéré quelques mois plus tard, il forme en septembre 2005, un nouveau parti, l’Alliance démocratique pour la patrie (connue simplement sous le nom d’Alliance), avec Dahuku Péré (autre dissident de l’ex- RPT).

En août 2008, il lance son propre parti, l’Organisation pour bâtir dans l’union, un Togo solidaire (OBUTS devenu MPDD) avec lequel il sera candidat à la présidentielle de 2010. 

En janvier 2020, il est désigné candidat à la présidentielle de février 2020 par le regroupement de formations politiques et d’organisations de la société civile, dénommé « Dynamique Monseigneur Kpodzro » (DMK). Il sera classé officiellement deuxième au scrutin (19,45 %) derrière le président sortant Faure Gnassingbé (70,78 %). Le 21 avril 2020, il s’est autoproclamé « président élu » du Togo. Gabriel Agbéyomé Kodjo va continuer de revendiquer sa victoire lors de la présidentielle du 22 février 2020. Dans la foulée de cette réclamation, il sera de nouveau contraint à l’exil.

 

Retour raté

Après son échec en 2010, Gabriel Agbéyomé Kodjo a entrepris des démarches pour se rapprocher de Faure Gnassingbé, selon les indiscrétions. Ce qui a été d’ailleurs confirmé par sa présence dans les délégations présidentielles lors des voyages.

Lors de la présidentielle de 2015, alors qu’il a délibérément choisi de ne pas s’engager dans la course, le désormais feu Agbéyomé avait appelé les électeurs à voter “Utile”, ce qui fut traduit par l’opinion comme un appel indirect à voter pour Faure Gnassingbé.

Aux lendemains de cette élection remportée une nouvelle fois par Faure Gnassingbé pour un 3è mandat, l’ex-patron du port a été pressenti au poste de premier ministre, mais cette responsabilité sera finalement confiée à Selom Klassou.

Le retour du « fils prodigue » à la maison n’aura finalement pas lieu. L’homme sera resté en rupture de ban avec le régime jusqu’à sa mort, qui met également un terme – prématuré ? – à son destin présidentiel.