Concurrence portuaire : Comment Lomé se positionne entre Téma, Cotonou et Abidjan

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Le Port Autonome de Lomé (PAL) fait face à une concurrence de ses voisins de l’Est et de l’Ouest notamment les Ports d’Abidjan et de Téma. D’importantes transformations, modernisations et investissements sont engagés de part et d’autre ces dernières années pour attirer plus d’investisseurs et d’opérateurs économiques. Comment le PAL s’adapte à la nouvelle donne ?

Le 2 décembre 2022, la Côte d’Ivoire a inauguré son deuxième terminal à conteneurs. Cette nouvelle infrastructure, d’après les autorités du pays, doit à terme permettre à la plateforme portuaire de se hisser au rang de « hub sous-régional » et devenir une référence sur la façade atlantique de l’Afrique.

« Les infrastructures portuaires accueillent désormais des navires de 15 000 conteneurs contre 3 500 auparavant. Ce nouveau terminal fait donc doubler la capacité annuelle […] qui passe d’un à deux millions de conteneurs par an », avait affirmé Philippe Labonne, président de Bolloré Africa Logistics, lors de la cérémonie inaugurale.

Ainsi, le Port d’Abidjan joue la carte d’attractivité pour les pays de l’hinterland. Il a assuré en 2021, « 76 % de ses échanges avec l’extérieur et réalisé un trafic brut de 30 millions de tonnes », a annoncé son directeur général, Hien Sié.

Téma rivalise Abidjan et Lomé

Au Ghana, le consortium Meridian Port Services (MPS), constitué de Bolloré Ports, d’APM Terminals et de l’autorité portuaire ghanéenne, a investi 1 milliard de dollars à partir de 2014 dans l’extension du port avec un terminal à conteneurs flambant neuf.

En 2018, MPS a reçu un montant de 100 millions de dollars sur les 667 millions accordés par la Société financière internationale (SFI), membre du Groupe de la Banque mondiale, dans le cadre du projet d’extension du port de Tema au Ghana.

Avec ce projet, Tema devra accueillir certains des plus grands porte-conteneurs du monde et améliorer les services et la capacité de manutention. Par ailleurs, le pays réfléchit à la construction d’un troisième port commercial à Keta, situé sur la côte atlantique, à la frontière avec le Togo.

Cotonou sur la voie de la décongestion

Trop congestionné, le Port de Cotonou a été confié aux Belges du port d’Anvers pour le rendre plus fluide. Des travaux sont en cours pour l’extension du bassin portuaire sur une longueur de 154 mètres pour permettre d’accueillir davantage de grands navires, selon Didier Houngbedji, directeur du Port.

La création d’un parking de onze hectares est en réflexion pour réaménager les surfaces. « D’ici à 2027, le port de Cotonou devrait donc perdre sa réputation de port coûteux et encombré tout en doublant sa capacité », informent les autorités portuaires.

Ces différents investissements engagés et innovations apportés à ces trois Ports de la sous-région ont commencé à avoir des impacts sur le trafic au niveau du Port Autonome de Lomé. Un fait reconnu par le Directeur général du PAL lors de la conférence bilan 2022 des activités du Port Autonome de Lomé.

En effet, de 2021 à 2022, le trafic global du Port autonome de Lomé a connu une légère progression. Celle-ci, souligne le Directeur général du Port, le Contre-Amiral Fogan Adegnon, aurait pu être plus sensible si la concurrence créée entre les Ports de la côte à savoir ceux de Téma et d’Abidjan n’avait pas pris forme.

« Cette concurrence créée par les innovations dans ces ports a un peu affecté et affaibli ce à quoi on s’attendait. Il y a une légère augmentation mais on aurait pu mieux faire s’il n’y avait pas ces travaux dans ces ports voisins », reconnaît-il.

De ce fait, le trafic conteneur a connu une légère baisse de 0,48% en 2022 et se chiffre à 1 952 879 conteneurs contre 1 962 304 en 2021. Le transbordement qui représente plus de 60% du trafic global a régressé de 0,93% entre 2021 et 2022. De 20 061 491 tonnes en 2021, ce dernier est passé à 19874 442 tonnes en 2022.

Lomé toujours performant

Le Port autonome de Lomé maintient sa place dans le Top 100 des ports les plus actifs du monde en termes de trafic conteneurs. C’est ce que révèle le classement 2022 de la revue londonienne Lloyd’s List, qui évalue les performances annuelles des ports pour le trafic conteneur dans le monde.

« La plateforme togolaise de transport de conteneurs se maintient dans le top 100 avec une nouvelle année de croissance à deux chiffres. Le port togolais de Lomé a consolidé sa place sur la liste des cent ports après avoir enregistré d’excellentes performances en 2022 », précise le rapport.

En effet, les chiffres d’affaires du Port Autonome de Lomé (PAL) ont atteint 39 milliards FCFA à fin 2022, soit une hausse de 10 milliards FCFA comparativement aux recettes de 2018 qui s’établissent à 29 milliards FCFA. Des résultats obtenus grâce aux réformes engagées dans le secteur ainsi que la mise en place de nouvelles infrastructures.

Le Togo s’est engagé depuis décembre 2011 dans deux projets d’extension de grande envergure qui sont achevés. Il s’agit de la construction d’un troisième quai et d’une darse avec un terminal à conteneurs.

Le Port Autonome de Lomé s’est consolidé par la construction de la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA). Une réalisation qui vient renforcer la gamme des infrastructures pour une meilleure fluidité du corridor Lomé-Ouagadougou.

Elle offre un parc camions gros porteurs d’une capacité de 700 camions, un parc à camions d’une capacité mensuelle de 12500 équivalents 20 pieds (EVP), des entrepôts modernes ; ce qui permet un gain de temps, de coût et plus de sécurité des marchandises à destination des pays du Sahel.

Les réformes passent par la totale dématérialisation des procédures d’enlèvement des marchandises à la prise en compte automatique de factures sans la présence des transitaires au guichet du Port.

Lomé Container Terminal pour contrer la concurrence

Pour faire face à la concurrence grandissante dans le secteur portuaire dans le monde et en Afrique en particulier et répondre efficacement à la demande du marché, Lomé Container Terminal (LCT) a entamé un projet de renforcement de ses capacités. De fait, en 2022, son conseil d’administration a approuvé le financement de ce projet d’extension dont le but est d’accroître le potentiel du terminal.

De façon générale, ce projet ambitionne « la création d’espaces de stockage supplémentaires d’une capacité d’environ 10 000 EVP sur une superficie de 5, 65 ha » ; et « l’acquisition d’équipements additionnels de manutention (2 Grues mobiles de location, 2 portiques de quai STS, 5 portiques de parc RTG, 10 tracteurs remorque et châssis, 2 Chariots élévateurs des conteneurs vides ECH, 2 Chariots élévateurs à fourches, 560 Prises pour conteneurs frigorifiques».

Le projet, informe-t-on, permettra également à la LCT d’honorer tous les engagements pris, tout en garantissant les meilleurs standards de qualité de ses services, de sa productivité opérationnelle globale et la fluidité de ses opérations de livraison/réception des marchandises.
En somme, le Port Autonome de Lomé, malgré la concurrence, reste performant et ambitieux. Toutefois, il faut souligner que les trois Ports concurrents précités misent tous sur les pays de l’hinterland comme celui du Togo pour récolter leurs investissements et aussi se positionner sur le marché. Le gagnant sera celui qui saura faire la différence sur le temps et le transit.

Lomé est bien partie sauf qu’en ce qui concerne la liaison ferroviaire le pays est à la traîne. Par ailleurs, le pays se prépare pour la navigation verte en contrôlant les émissions de CO2 dans la zone portuaire.

« On sera toujours un Port performant avec un chiffre d’affaires toujours plus croissant tout en respectant les règles environnementales, les règles d’hygiène, les règles de santé », a rassuré le ministre de l’économie maritime, de la pêche et de la protection côtière.