Être diplômé d’une école privée offre plus de chance d’obtenir un emploi et d’être mieux payé selon une étude

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L’insertion professionnelle des jeunes diplômés reste un paramètre important dans le choix du cursus et du type d’établissement scolaire. Au Togo, une étude intitulée « le choix du type d’école et les résultats des jeunes sur le marché du travail au Togo » indique que les diplômés des écoles privées ont plus de facilités à obtenir un emploi que ceux des écoles publiques. Les résultats de cette étude disséminés au cours d’un atelier organisé par le Centre Autonome d’Etudes et de Renforcement des Capacités pour le Développement au Togo (CADERDT), recommandent plusieurs actions visant à améliorer la qualité de l’éducation au Togo et à lever les barrières à l’entrée du marché du travail.

Les déterminants du choix du type d’école

L’étude « choix du type d’école et les résultats des jeunes sur le marché du travail au Togo », a été menée par une équipe de chercheurs des universités togolaises et camerounaises. Elle a pour principal objectif d’analyser l’impact du choix d’un type d’école par les parents sur l’accès à l’emploi et le salaire des jeunes sur le marché du travail au Togo.

Pour cette étude, Etayibtalnam Koudjom, économiste et chercheur postdoctoral à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, et ses pairs, ont procédé à une analyse empirique basée sur l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM, 2018) réalisée par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques au Togo (INSEED-Togo) sur 16821 jeunes âgés de 15 à 35 ans.

Les résultats révèlent que les variables relatives aux distances qui séparent les écoles des domiciles des parents du jeune (distance-école publique et distance-école privée), le sexe masculin, l’âge, le niveau d’éducation (secondaire et supérieur), les régions de résidence maritime et Kara, y compris la catégorie socioprofessionnelle des parents du jeune (père salarié, mère salariée) sont les principaux déterminants du choix des parents de scolariser leurs enfants dans un type d’école (publique ou privée).

De fait, selon l’Enquête EHCVM (2018-2019), parmi les jeunes scolarisés dans les écoles privées au Togo, « 83,89% sont issues des familles riches contre seulement 16,11% qui viennent des familles pauvres. Cependant, les enfants des pauvres sont plus représentés dans les écoles publiques (88,35%) que les enfants des riches (11,65%) ».

Accès à l’emploi et compétitivité du salaire

Les résultats de cette étude réalisée grâce à un appui financier du Consortium pour la Recherche Economique en Afrique (CREA), indiquent que « les jeunes ayant accès à une formation de type privé présentent des avantages sur le marché du travail en termes d’accès à l’emploi et d’augmentation de salaire comparativement aux jeunes ayant accès à d’autres types de formation ou qui n’ont choisi aucune formation ».

L’étude précise que seulement quatre jeunes sur dix (40,66%) ayant fréquenté les écoles publiques sont en situation d’emploi. Pourtant, parmi ceux ayant fréquenté les écoles privées, plus des deux-tiers (67,43%) sont en situation d’emploi. La proportion de jeunes en situation d’emploi est de 52,61%, lorsqu‘ils ont fréquenté à la fois les écoles privées et publiques.

Cette situation s’explique d’après l’étude, par les effectifs pléthoriques dans les filières de formations publiques, qui désavantagent les diplômés issus de ces écoles, contrairement aux jeunes qui sortent des écoles privées avec une connaissance pratique ou une co-formation associée.

La Directrice de CADERDT posant avec les panélistes et participants à l’atelier de dissémination

« Souvent les jeunes qui sortent des écoles privées ont des parents qui ont déjà des entreprises, et les étudiants qui sortent des écoles privées ont déjà une formation spécialisée en lien avec les exigences du marché du travail, et donc ils ont plus de chances d’être embauchés contrairement aux jeunes diplômés d’une école publique », a précisé Etayibtalnam Koudjom, dans la synthèse de la présentation des résultats.
Ces résultats viennent expliquer d’une part, la floraison ces dernières années, des écoles privées dans la sphère de l’enseignement supérieur au Togo. De fait, le Togo compte deux universités publiques, une université privée confessionnelle et des établissements d’enseignement supérieur privés (plus de 70) qui se partagent les différentes filières.

De plus, les chercheurs précisent dans leurs résultats une forte corrélation entre le type d’école et la rémunération. Les diplômés des écoles privées sont mieux payés que leurs pairs formés dans les écoles/universités publiques.

CADERDT lance le débat

Créé à l’initiative du Gouvernement togolais avec l’appui de la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), le Centre Autonome d’Etudes et de Renforcement des Capacités pour le Développement au Togo (CADERDT) en lien avec sa mission de la dissémination des connaissances, a organisé un atelier de partage des résultats de l’étude sur le choix du type d’école et les résultats des jeunes sur le marché du travail au Togo.

Tenu en fin 2023 à Lomé et en mode hybride, cet atelier a été meublé de la présentation des grandes conclusions de l’étude, suivie d’un panel auquel ont participé, entre autres le directeur de la jeunesse, M. Arime Anala et de l’économiste Kwami Ossadzifo Wonyra.

D’après Odilia E. Gnassingbe, Directrice Exécutive de CADERDT, l’atelier a été organisé afin de « porter ces résultats de recherche à la connaissance des acteurs de la politique éducative, des réformes du marché du travail et de la communauté scientifique ».

De fait, pour cette structure qui a aussi la « mission de mettre en œuvre une stratégie destinée à rassembler, documenter et informatiser les connaissances issues des recherches », il s’agissait d’offrir un cadre de dialogue entre les différentes parties prenantes impliquées dans le choix du type d’école, les politiques d’éducation, les politiques de jeunesse et d’emploi au Togo.

Ainsi, les échanges au cours du panel, qui avait pour thème «Quelles priorités en matière de politiques éducatives pour répondre aux besoins du marché du travail », ont mis en lumière l’impératif de corriger les inégalités afin de garantir une reproduction équitable des élites au sein de la société togolaise.

Pour réduire les inégalités

L’étude réalisée par les chercheurs des Universités de Lomé et de Yaoundé met en évidence les disparités d’accès au marché du travail et de rémunération entre les jeunes diplômés des écoles privées et ceux issus des établissements publics.

Ainsi, les auteurs recommandent une amélioration de l’enseignement public, en procédant à une augmentation du financement dans la perspective d’offrir un cadre d’étude adéquat selon les normes.

« Il faut entre autres désengorger les amphis, et pour cela, investir dans l’éducation supérieure dans les universités publiques. Par exemple, l’exigence de l’UNICEF qui est 30 étudiants pour 1 enseignant est loin d’être respectée. Vous allez retrouver un enseignant face à plus de 1500 étudiants », estiment Koudjom et ses pairs.

Pour ces derniers, il est aussi impératif d’harmoniser les curricula des formations et d’adopter les offres de formations à la demande. Cette action impliquerait la collecte des informations auprès des entreprises en termes de besoins mais aussi sur les résultats dans les écoles publiques et privées.

Pour les politiques publiques, ces universitaires recommandent d’« encourager la collaboration entre les secteurs public et privé, de réglementer et superviser les écoles privées ».

« Les résultats de notre étude fournissent des informations utiles pour les politiques publiques au Togo. Ils impliquent que les politiques visant à réduire les inégalités entre les jeunes sur le marché du travail devraient considérer le type d’école fréquentée par le jeune comme un outil efficace pour atteindre ces objectifs. Ces politiques de développement peuvent cibler plus les jeunes qui n’ont aucun type d’école et ceux ayant eu la chance de suivre la formation de type public », précise ce groupe de chercheurs (Etayibtalnam Koudjom, Eric Hubert NGOKO, Lionie MAFANG, Mazignada Sika LIMAZIE) dans la conclusion de leur étude.